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moitié du siècle il n’en est plus de même, ou plutôt c’est le contraire qui a lieu. A l’indifférence a succédé l’engouement, et la littérature s’est faite tributaire des sciences. Quel a été pour elle le résultat de cette dépendance, et y a-t-elle gagné ou perdu davantage ? Que restera-t-il de l’effort qui a été fait pour rapprocher les procédés de l’écrivain des méthodes du savant ? Faut-il craindre que l’esprit scientifique, en pénétrant la littérature, ne l’altère et ne réduise quelque jour jusqu’à entière suppression ce qu’il y avait en elle de valeur artistique ? Ou faut-il espérer que la littérature s’assimilera l’esprit scientifique, au point d’en faire un élément, entre les autres, de la production de l’œuvre d’art ? Tel est le sujet d’une consciencieuse dissertation que M. Robert Fath intitule : De l’influence de la science sur la littérature française dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il y passe successivement en revue le roman, la poésie, le théâtre, la critique, et, par des exemples bien choisis, il montre comment tous ces genres ont été peu à peu transformés par l’influence de l’esprit scientifique. Laissons de côté la critique, comme l’histoire et comme tous les genres qui ayant l’érudition pour moyen sont eux-mêmes voisins des sciences ; et, nous bornant aux genres qui sont le domaine propre de l’invention littéraire, examinons à notre tour une question dont l’historien des lettres ne saurait méconnaître l’importance.

Que le XIXe siècle soit dominé par le mouvement scientifique, c’est un point sur lequel il est difficile de ne pas être d’accord ; au surplus, les savans et surtout les non-savans l’ont proclamé assez haut pour qu’il soit inutile d’y insister. Ce qui frappe l’esprit de la foule, ce sont les applications industrielles de la vapeur et de l’électricité : et on ne peut en effet s’empêcher de voir qu’elles rendent chaque jour le monde plus inhabitable. Mais c’est ailleurs, dans l’acquisition de connaissances et de méthodes nouvelles que s’est fait le véritable progrès. Il a été magnifique, et c’est chose curieuse d’en suivre le prolongeaient dans la littérature. A mesure que, grâce à une grande découverte, à une intuition de génie, une science nouvelle se constituait et accaparait l’attention, aussitôt elle provoquait dans les genres littéraires des nouveautés correspondantes. C’est d’abord l’astronomie qui est révolutionnée par les idées de Laplace ; et, de toute évidence, montrer à l’homme la place exacte qu’il occupe dans le système du monde, cela ne saurait être sans conséquence au point de vue de la littérature. « Enfin plusieurs siècles de travaux ont fait tomber le voile qui cachait à ses yeux le système du monde. Alors il s’est vu sur une planète presque imperceptible dans le système solaire dont la