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les montre à l’œuvre. Et nous découvrons alors que, tous, sans exception, ces généreux highlanders sont des hommes d’une bassesse et d’une perversité d’âme effrayantes, coutumiers du faux et de la trahison, et si absolument dépourvus de scrupules moraux qu’il n’y a pas une infamie dont ils ne soient capables. Lethington, que ses compatriotes appelaient Michaël Wylie {et cela signifiait Machiavelli), était proprement un monstre. Marie Stuart, qui pardonnait à tous, à lui seul ne put jamais pardonner sa conduite envers elle, même après qu’il eut péri au service de sa cause. Morton, le futur régent du royaume, était « un assassin aux mains rouges de sang, vivant en adultère public avec la veuve du capitaine Cullen, qu’il avait fait pendre, et s’associant le plus ouvertement du monde avec des meurtriers de profession, tels que son parent Archibald Douglas, le chanoine de Glasgow. » Voleur, faussaire, « avec tout cela, c’était un saint homme : il était l’ennemi des Idolâtres, et l’église d’Ecosse, tout en déplorant ses excès, avait pour lui un regard favorable. » Quant à son parent Archibald Douglas, le chanoine de Glasgow, « meurtrier de profession, » celui-là s’était fait une spécialité du faux en écritures. Un « saint homme, » lui aussi, bien que, après son ordination, il ait demandé à un autre pasteur de prier à sa place, disant que lui-même « n’en avait pas l’habitude. » Kirkaldy, « le second Wallace, » excellait également dans le faux en écritures. Mais plus répugnant encore que ces coquins avérés, et plus dangereux, était l’inflexible Murray, le frère de la reine, type achevé de lâcheté et d’hypocrisie, agent d’Elisabeth, inspirateur occulte du meurtre de Rizzio comme de celui de Darnley, et, plus tard, le principal accusateur de Marie, à qui il devait tout.

Ainsi la malheureuse princesse, dès son arrivée de France, était tombée tout à coup dans une caverne de brigands. « C’étaient, — nous dit M. Andrew Lang, — des hommes tels que peut en produire une époque où une révolution religieuse et sociale a renversé toutes les bases de la moralité, où la simple adhésion à un parti théologique suffit pour conférer le titre de saint homme, et où l’attachement à un chef est infiniment plus puissant que la fidélité au roi, à la patrie, ou aux lois essentielles de la morale. » Et en effet, à travers les quatre cents pages du livre, nous voyons ces hommes s’occuper sans cesse à nouer et à dénouer, autour de la reine, de vilaines intrigues, où bientôt se joignent à eux des personnages nouveaux, le « lépreux » Darnley, puis Bothwell, le troisième mari de la reine, aventurier plus franc et plus brave que les autres, — le seul d’entre eux, au total, qui ne fût point tout à fait méprisable.