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et sous sa première espèce, le travail en soi. Nous commencerons par essayer de bien déterminer, — ce sera le premier exemple de la première partie, — quelle est aujourd’hui, comme distribution et comme économie, comme direction, comme administration et comme discipline du travail, comme formalités d’embauchage et de renvoi, la condition de l’ouvrier dans les mines de houille. C’est une mine du Pas-de-Calais qui nous fournira la matière essentielle de cette première monographie ; mais nous aurons soin, chemin faisant, de relever et de marquer les variations intéressantes de région et d’entreprise, entre le bassin houiller du Nord et ceux du Centre et du Midi de la France, peut-être même, s’il y a lieu, les autres bassins houillers des pays qui, tout proches de nous et rapprochés encore par la multiplication des communications matérielles et intellectuelles, sont en contact industriel, politique et social avec nous.


Le plus rapide et le plus sûr moyen, pour quiconque veut savoir ce qu’est vraiment le travail du mineur, est de descendre dans une fosse. On appelle une fosse tout un groupe, tout un système de bâtimens, d’installations et de machines, un vaste enclos fermé de murs et de grilles, sol noir de charbon pulvérisé, hautes cheminées fumantes, grands ateliers sonnant, bourdonnant ou ronflant, puits d’extraction et d’aération, escaliers de fer grimpant vers des paliers reliés par des ponts de fer. Prenez, en passant, l’ingénieur qui vous attend pour faire sa tournée quotidienne, heureux de vous montrer son domaine et ses hommes. Entrez dans la salle de bains et revêtez-y la chemise de toile grise, le pantalon et la veste de toile bleue : ceignez-vous les reins de la large ceinture de cuir ; enfoncez solidement jusqu’au ras des yeux et des oreilles cette calotte que vous recouvrez du chapeau rond de cuir bouilli ; chaussez ces lourds brodequins aux semelles hérissées de clous, et armez-vous de la lampe de sûreté qu’on vous offre tout allumée, et que vous porterez tantôt à la main, et tantôt à la boutonnière, suspendue par le crochet qui la termine : le bourgeron pour ne rien craindre de la poussière, le chapeau de cuir pour vous protéger de la chute éventuelle des pierres, les gros souliers pour traverser à sec les flaques d’eau, et leurs semelles à clous pour ne pas glisser ou vous retenir sur les plans inclinés. En cet équipage, suivez votre guide et montez, car, pour descendre, il faut d’abord monter