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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/203

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points quelques encombremens ; mais le mouvement perpétuel de l’eau, le va-et-vient continu des marées, y agissent comme de véritables chasses, et maintiennent toujours un ou plusieurs chenaux assez profonds pour assurer le communication entre le fleuve et la mer. Toutefois, malgré cette agitation incessante, l’estuaire tend toujours à s’encombrer ; et cet encombrement peut même devenir une véritable obstruction, si cet estuaire est de largeur moyenne et resserré entre deux remparts de falaises permettant difficilement l’entrée et la sortie du flot marin.

C’est un peu le cas de la Liane, dont l’étroite échappée sur l’Océan ne présente qu’une largeur de 800 à 900 mètres entre les deux falaises, aujourd’hui en partie écroulées, qui dominent le port et la ville de Boulogne et qui portaient jadis, l’une au Nord la Tour d’Ordre, l’autre au Sud le fort de Châtillon. Cette ouverture était certainement beaucoup plus évasée autrefois ; et, depuis les quinze ou vingt siècles qui nous séparent de l’époque romaine, ces deux pylônes, qui étaient comme des môles avancés à l’entrée de la vieille Liane, se sont peu à peu émoussés. La rade s’est trouvée plus à découvert. La grande pointe de la Crèche a été sapée par les vagues et les blocs noyés que la sonde rencontre à quelques centaines de mètres au large en sont les débris. Au Sud, à côté du cap d’Alpreck, les rochers d’Heurt et d’Inheurt, qui forment de petits îlots avancés et qui constituent des écueils assez dangereux pour le petit havre du Portel, sont aussi des fragmens détachés de l’ancienne falaise. Toute cette partie de la côte s’est donc modifiée d’une manière très sensible depuis quelques siècles seulement. Nulle part ne s’est réalisée d’une manière plus saisissante cette loi générale qui préside à la transformation due à l’action double et contraire du fleuve et de la mer, et que l’on peut formuler de la manière suivante : « Les pointes s’émoussent et reculent, les anses se comblent et s’avancent. » Il est donc très probable, pour ne pas dire certain, qu’à l’époque romaine, les deux grands contreforts, qui formaient les bajoyers gigantesques de la « cluse » de la Liane, étaient plus avancés en merde 700 à 800 mètres, que l’estuaire présentait alors une largeur à peu près triple de celle de nos jours, et que tous les navires de mer pouvaient remonter sans difficulté jusqu’à Isques, c’est-à-dire à sept kilomètres de l’embouchure actuelle.

Il est en outre très intéressant de remarquer que quelques cartulaires du moyen âge mentionnaient Isques sous le nom « d’Isquesport, »