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la mine. Les ouvriers en sont les soldats, car il n’est peut-être pas abusif de comparer à une armée ces ateliers immenses où s’enrôlent des milliers d’hommes, et dont on conçoit aisément que l’un des caractères doive être, en raison même de leur énormité, l’ordre, la discipline, la hiérarchie. La taille en est le peloton ou l’escouade. Chaque taille comprend de un à six ouvriers, avec un ou deux aides ; huit hommes au maximum et le plus souvent cinq (quatre mineurs et un aide). Le mineur¸ de son vrai nom ouvrier à la veine, fait l’abatage du charbon, creuse la voie, place les bois de soutènement et pose les rails de roulage. L’aide est chargé d’amener, le matin, les bois à la taille, de remplir de charbon les berlines, et de les rouler jusqu’au plan incliné. Dans l’entre-temps, il travaille à la veine, afin d’apprendre le métier : c’est un servant et un apprenti. Il entre vers seize ans, reste jusqu’au service militaire, et rentre à son retour du régiment, où il prend définitivement le pic et « frappe. » La taille est sous la direction d’un chef de taille, qui en est soit le plus vieux, soit le plus habile ouvrier. Il lui donne son nom : « la taille à Rossignol, Pierre, » reçoit des porions, et transmet à ses camarades les instructions à suivre. Quoique son titre de chef soit plutôt honorifique, en ce qu’il n’est qu’un simple ouvrier, cependant il exerce un commandement : au choix ou à l’ancienneté, il est passé caporal.

Autour de tout ce monde, chefs porions, porions, surveillans, chefs de taille, ouvriers à la veine et aides-ouvriers, qui forment le personnel actif de la mine, circule et s’empresse tout un monde de gens qui en composent les services auxiliaires : ouvriers à l’entretien, boiseurs, raccommodeurs, raucheurs (rehancheurs=rehausseurs ? ) qui remontent le planchage ; hommes au creusement des travers-bancs, qui percent dans le roc les bowettes (la bowette, en patois flamand, est une lucarne de cave affectant la forme d’un four, — une aire et un cintre, — forme qu’affectent justement les galeries) ; gamins qui poussent les berlines sur les plans inclinés, au sommet desquels ils les prennent des aides, ou qui gardent l’accès des chantiers ; conducteurs de chevaux, qui amènent les wagonnets pleins de charbon de la base du plan incliné à l’accrochage du puits d’extraction ; maréchaux-ferrans pour ces mêmes chevaux, dont beaucoup, descendus depuis plusieurs années et logés en une écurie à l’entrée de la fosse, ne reverront jamais la verdure d’un pré à la lumière du soleil. Et, là-haut, par delà la masse d’un demi-kilomètre,