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V

Ce ne sont point les chimistes qui ont conduit l’analyse de la matière au delà de l’atome ; ce sont les physiciens. Ceux-ci ont été amenés indirectement sur le terrain de la mécanique moléculaire et atomique, par l’étude des rayons cathodiques, et des corps radio-actifs.

Les rayons cathodiques[1] sont engendrés par le passage des décharges électriques à travers les gaz ultra-raréfiés, comme il arrive dans les tubes de Crookes, où le vide est poussé jusqu’au millionième d’atmosphère. Ces rayons, obscurs, rectilignes, émanés de la surface de la cathode et perpendiculaires à elle, constituent un flux électrique tout à fait indépendant de la décharge qui lui donne naissance, jouissant de la propriété de rendre phosphorescens un grand nombre de corps et particulièrement la portion de paroi du verre qu’il viennent frapper.

On peut se faire une idée de la nature du rayonnement cathodique si l’on veut bien se rappeler que la matière pondérable est le support obligatoire de l’électricité ; que partout où il y a de l’électricité il y a de la matière. Le rayon cathodique étant chargé d’électricité, nous devons le considérer comme matériel.

Le rayon cathodique est donc formé par une émission, une projection de particules matérielles, électrisées négativement, lancées avec une vitesse prodigieuse qui peut approcher de la vitesse de propagation de la lumière. Ce projectile ne dépend point de la substance de la cathode. Sa matière constituante est toujours l’hydrogène, ainsi que l’a montré M. Villard. La foudroyante vitesse du projectile cathodique, mis en mouvement par la répulsion électrique de la cathode, a pour contre-partie l’extraordinaire petitesse de sa masse. J.-J. Thompson a montré que les particules matérielles électrisées transportent mille fois plus d’électricité que n’en transporte une masse égale d’hydrogène mis en liberté par l’électrolyse au pôle négatif du voltamètre. La masse de ces particules est donc, par compensation, extrêmement faible par rapport à celle de l’atome d’hydrogène, et d’une façon plus précise, elle est mille fois plus faible. D’ailleurs, les mesures électriques et électro-magnétiques les plus

  1. Les nouvelles radiations, Revue du 1er  décembre 1901.