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Ces réunions, toujours restreintes, s’appelaient à la Cour les Parvulos de Meudon. Comme la princesse de Conti ne voulait pas en être exclue, elle prit son parti de s’y rencontrer avec son ancienne rivale. Elle y amenait aussi ses amies, entre autres la comtesse de Lillebonne, une de ces princesses lorraines tant haïes de Saint-Simon, sœur de Vaudémont, bâtarde comme elle et comme lui. La comtesse de Lillebonne, qui était fort pauvre, et vivait aux dépens de la princesse de Conti, introduisit à Meudon ses deux filles. L’une était la princesse d’Espinoy, que nous avons vue employée par Mme de Maintenon à surveiller la Duchesse de Bourgogne, et qui, dit Saint-Simon, « douce, belle, n’avoit d’esprit que ce qu’il lui falloit pour aller à ses fins, mais qui l’avoit au dernier point et qui jamais ne faisoit rien que par vues ; d’ailleurs naturellement bonne, obligeante et polie. » L’autre, qu’on appelait Mlle de Lillebonne, passait pour secrètement mariée au chevalier de Lorraine et, « sous un extérieur froid, indolent, paresseux, négligé, intérieurement dédaigneux, brûloit de la plus vaste ambition avec une hauteur démesurée, mais qu’elle cachoit sous une politesse distinguée et qu’elle ne laissoit se déployer qu’à propos. » À cette petite cour de Monseigneur était venue se joindre, depuis quelques années, une autre princesse, bâtarde encore et légitimée comme la Princesse de Conti, sa demi-sœur, la Duchesse de Bourbon. Celle-ci avait hérité non point de la beauté de sa mère, Mme de Montespan, mais de son esprit impitoyablement caustique. Ardente au plaisir, n’aimant personne, sauf le Prince de Conti, qui entretenait avec elle une liaison notoire, elle se moquait de tout le monde ; ses railleries se traduisaient en chansons cruelles où elle n’épargnait personne, pas même la famille royale, et qui couraient la ville.

Toutes ces femmes, la Duchesse de Bourbon surtout, détestaient la Duchesse de Bourgogne, qui passait maintenant la première à la Cour, qui était plus jeune, plus brillante qu’elles, mieux aimée du Roi. Aussi, en cajolant Monseigneur, s’efforçaient- elles de combattre l’influence qu’exerçait sur lui son aimable belle-fille. Peu à peu les Parvulos de Meudon étaient devenus le centre de tout ce qui était hostile, non pas seulement à la femme, mais au mari. Le Duc de Bourgogne, en effet, s’était créé de son côté des ennemis par son attitude austère et souvent un peu morose. Il n’était pas jusqu’à Monseigneur qui ne fût