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située à l’Est de Haut-Pont, près du goulet de Watten, s’est effondrée en 1840[1].

Les premiers habitans de cet étrange pays, aujourd’hui complètement transformé, furent quelques peuplades aventureuses détachées de la région du Rhin. Après avoir quitté les forêts de la Germanie, elles s’arrêtèrent devant les marécages indécis qui s’étendaient jusqu’à l’horizon marin et devaient leur sembler les limites mêmes du monde. Ils en prirent naturellement le nom ; ce furent les Morins, c’est-à-dire les habitans des marais ou des Moëres, C’est ainsi qu’on désigne toujours la région palustre aux environs de Dunkerque. L’étymologie paraît être le vocable tudesque mur ou le mot anglais moor lande, plaine vaseuse, lieu d’amarrage, dont l’origine remonte aux premiers temps de la langue saxonne.

Cette ancienne baie est très nettement délimitée par une ceinture de coteaux, qui sont le prolongement de la vallée supérieure de l’Aa. L’ancien port de Saint-Omer en occupait le fond. Au-devant du port, les coteaux s’écartent un peu, et le bassin d’autrefois avait une largeur de 2 à 3 kilomètres ; mais ils se rapprochent graduellement jusqu’à Watten, où se trouve une sorte de goulet de 200 à 300 mètres seulement. A la sortie de ce goulet, la vallée s’ouvrait largement. C’était la grande plaine marécageuse, coupée de petits lacs, d’étangs et de fondrières, semée d’îlots et de bancs vaseux au milieu desquels serpentaient les différens bras de l’Aa et que les dépôts séculaires des alluvions et l’établissement de plusieurs centaines de canaux et de rigoles d’assainissement ont transformée en terre de première valeur. Le pays en a pris le nom. C’est la région, des « watergands, » ou des « wateringues, » c’est-à-dire des écoulemens d’eau.

Les premiers travaux d’endiguement paraissent remonter au VIIe siècle. Il est probable cependant que, dès qu’il eut mis le pied sur ce sol périodiquement détrempé, l’homme joignit tous ses efforts au travail de la nature pour s’assurer autant que possible la possession permanente de quelques lambeaux de terre, les défendre contre les attaques de la mer, les rendre propres à recevoir une culture à peu près régulière ; et très certainement les Morins des premiers siècles, — peut-être même leurs prédécesseurs, — ont cherché à se mettre à l’abri des inondations et

  1. J. Girard, Les rivages de la France. L’ancien pays des Morins.