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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/465

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catholique, prêtre catholique. Il signe ses livres : « The Rev. P. A. Sheehan ; » il les publie dans des revues ecclésiastiques ; et c’est le plus ingénument du monde qu’il y transporte les préoccupations habituelles de son ministère. Les aventures qu’il y raconte le plus volontiers sont simplement celles de pauvres prêtres de village, bornant leur ambition à vivre en paix avec Dieu, leur évêque, et leurs paroissiens. Quoi d’étonnant que de tels livres manquent d’attrait pour les lecteurs des intrigues mélodramatiques de M. Hall Caine, des fantaisies impérialistes de M. Kipling, ou des Lettres d’amour d’une Jeune Anglaise ?

Je dois ajouter que, pour ceux mêmes qu’ils intéressent, ces livres sont loin d’être des romans parfaits. L’inexpérience de l’auteur s’y trahit sans cesse par des longueurs, des redites, une insistance fatigante à noter toute sorte de détails souvent insignifians. Mais ils rachètent ces défauts par des qualités littéraires infiniment précieuses. ils ont, d’abord, ce parfum de vérité qui suffit à nous rendre agréable la peinture des sujets les plus ordinaires. Le révérend Sheehan connaît si bien les mœurs cléricales irlandaises, il les comprend et les aime si profondément, que chaque mot qu’il nous en dit nous frappe par un accent tout particulier de justesse et de précision pittoresques. Les moindres offices religieux, dès qu’il nous les décrit, revêtent pour nous une signification et un charme imprévus. Ses curés et ses vicaires, ses sacristains et ses chantres, sont formés d’élémens si réels, et dessinés d’une touche si sûre que toutes les nuances de leur physionomie matérielle et morale s’imposent aussitôt à notre attention. Seul Ferdinand Fabre, dans quelques-uns de ses premiers romans, nous a fait voir des figures de prêtres d’une vérité aussi manifeste : encore l’observation de Ferdinand Fabre était-elle toujours gâtée par un certain ton de condescendance ironique ou dédaigneuse, tandis que l’auteur irlandais met évidemment toute son âme à cette vie cléricale qu’il a entrepris de nous révéler. A la manière dont il nous parle de l’achat d’un calice ou du choix d’un enfant de chœur, nous sentons que ce sont là des choses qui ont pour lui-même une importance considérable ; et, en effet, ce qu’il nous en dit nous touche souvent davantage que les catastrophes les plus romanesques, racontées par des auteurs qui viennent de les inventer à notre intention.

Sans compter que la vie d’un prêtre, pour peu qu’on l’envisage sérieusement, implique une foule d’obligations de la plus haute portée morale et sociale Plus que personne, un prêtre est constamment en contact avec les problèmes essentiels de notre destinée. Et voilà encore un des mérites des romans de M. Sheehan, que les prêtres qu’ils nous