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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/47

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à la cathédrale de Parme, pris ensuite comme secrétaire par l’évêque de Borgo San Donnino, avait été envoyé par le duc de Parme en mission auprès de Vendôme alors que celui-ci commandait en Italie. Il avait su se faire prendre en gré par le général français. On sait, par Saint-Simon, la basse et ordurière flatterie qui fut le commencement de sa faveur, et, lors même qu’il ne faudrait pas tenir l’anecdote pour tout à fait authentique[1], il est certain qu’il y jouait dans l’entourage de Vendôme un rôle assez subalterne, égayant les convives par des lazzis, travaillant à la confection des potages, en particulier des soupes à l’oignon dans lesquelles il excellait, et se répandant dans ses lettres en éloges sur Vendôme, qu’il appelait « le bon compaire qui taille des croupes au prince Eugène. » Vendôme l’en avait récompensé en obtenant pour lui une pension de 1 800 livres, portée plus tard à 3 000, et il s’était laissé accompagner par lui en Flandre. Ce fut de la plume d’Alberoni que Vendôme se servit pour diffamer le Duc de Bourgogne.

Il lui fit adresser une longue lettre à l’avocat Charles Ponthon d’Amécourt, l’associé de son ami le financier Crozat, lettre qui circula d’abord de main en main, dont on fit de nombreuses copies, et qui finit par être publiée dans la Gazette d’Amsterdam, c’est-à-dire dans une feuille toute dévouée aux ennemis de la France[2]. Cette lettre fit grand bruit, au point que Saint-Simon, dans ses Mémoires, a cru devoir la reproduire tout entière, sauf à la réfuter avec sa vigueur coutumière[3]. « Laissez, monsieur, votre désolation, disait Alberoni à son correspondant, au début de cette lettre, et n’entrez pas dans le parti général de votre nation, laquelle, au moindre malheur qui est arrivé, croit que tout est perdu. Je commence par vous écrire que tous les discours qui se tiennent contre M. de Vendôme sont faux et qu’il s’en moque. » Il continuait en rééditant le récit de Vendôme sur les péripéties de la bataille, et en faisant retomber toute la responsabilité des fautes commises, sinon sur le Duc de Bourgogne, qu’il n’osait pas

  1. M. Emile Bourgeois a consacré naguère dans les Annales des Sciences politiques (numéros de mars et mai 1900) une étude intéressante, mais un peu partiale, à la jeunesse d’Alberoni. Il prend sa défense contre Saint-Simon, qu’il appelle sans cesse le « noble duc, » et qui devait, dit-il, « reporter sur Alberoni comme sur Campistron, des plébéiens parvenus par l’esprit, sans naissance, toute la haine qu’il nourrissait contre Vendôme, un bâtard. » On peut cependant, sans être duc, se montrer plus sévère que M. Bourgeois pour Alberoni et même pour Campistron !
  2. Gazette d’Amsterdam, année 1708, n° LVIII.
  3. Saint-Simon, édition Boislisle, t, XVI, p. 203.