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celui-ci avec Vendôme lui donnait plus d’autorité qu’à celle d’Alberoni ou de Campistron.

Se sentant ainsi soutenus et encourageas, les amis de Vendôme entrèrent en campagne. « La cabale, dit Saint-Simon, se déchaînoit par degrés, en cadence. Leurs émissaires paraphrasoient les lettres dans les cafés, dans les lieux publics, parmi la nation des nouvellistes, dans les assemblées de jeu, dans les maisons particulières. Les Halles mêmes, dont Beaufort fut roi si longtemps dans la minorité de Louis XIV, en furent remplies. Les vaux de ville, les pièces de vers, les chansons atroces sur l’héritier de la couronne, et qui érigeoient sur ses ruines Vendôme en héros, coururent par Paris et par tout le royaume avec une licence et une rapidité qu’un ne se mit en aucun soin d’arrêter, tandis que, à la Cour et dans le grand monde, les libertins et le bel air applaudit, et que les politiques raffinés, qui connoissoient mieux le terrain, s’y joignirent, et entraînèrent si bien la multitude, qu’en six jours il devint honteux de parler avec quelque mesure du fils de la maison dans sa maison paternelle ; en huit, cela devint dangereux, parce que les chefs de meute, encouragés par le succès de leur cabale si bien organisée, commencèrent à se montrer, à prendre fait et cause, et à laisser sentir qu’ils la regardoient tellement comme la leur, que quiconque oseroit contredire auroit tôt ou tard affaire à eux[1]. »

Les familiers de Meudon étaient au premier rang de la cabale, et quelques-unes de ces chansons que Saint-Simon a raison d’appeler atroces furent attribuées à la Duchesse de Bourbon elle-même[2]. Elles témoignent jusqu’à quel point la haine et la calomnie se donnèrent carrière contre l’infortuné Duc de Bourgogne. C’était la revanche des libertins ; ils se l’offrirent complète. C’est ainsi qu’ils s’en allèrent d’abord chantant :


Nostre Prince magot
Trop timide et cagot.
Avec son Martinot,
Sera toujours un sot ;
Mais nostre gros blondin,
Valeureux et mutin.
Avec ses libertins
Ira toujours son train.

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 237.
  2. Bibliothèque Nationale, le Chansonnier français, t. XI, p. 137 et suivantes.