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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/498

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III

Il le disait, le 28 mars ; mais, depuis quatre jours, « une attaque d’apoplexie » avait subitement enlevé l’empereur Paul, et, le 31 mars, le ministre tout-puissant alors du nouvel empereur écrivait à Kolytchef : « Sa Majesté désire vous voir adopter dans vos conversations avec le Premier Consul toutes les politesses dues au premier personnage d’une grande puissance, sans néanmoins vous départir dans la moindre chose des principes de fermeté qui peuvent seuls obtenir aux négociations qui vous sont confiées un succès désiré. » Le succès, c’était la révision du traité « extorqué » par Murât au roi de Naples. « En cas de refus ou de réponse évasive et dilatoire, Votre Excellence s’abstiendra de traiter sur quoi que ce soit avec le gouvernement français, jusqu’à nouvel ordre. » Et c’en fut fait du blocus de l’Angleterre, de l’immense mouvement tournant par les Indes, de l’expédition d’Espagne, de l’Egypte, de la Méditerranée, de la chimère de l’alliance russe, jusqu’en 1807, jusqu’au radeau de Tilsitt qui ne fut qu’un postiche de théâtre sur des bâtons flottans, à la dérive du fleuve.

C’en est fait, du même coup, de la ligue des neutres. Le parti « anglomane » triomphe à Pétersbourg, et l’Angleterre notifie, brutalement, de quelle façon elle entend imposer son amitié. Le 2 avril, Nelson bombarde Copenhague et, malgré leur défense désespérée, réduit les Danois à capitulation. Le coup retentit à Stockholm, à Pétersbourg. C’est la terreur maritime. L’Angleterre, pour contraindre Bonaparte à la paix anglaise, le bloque dans le continent et supprime la concurrence du commerce des neutres. Bonaparte, pour contraindre les Anglais à la paix française, se pousse, se retranche sur le continent et en interdit les abords au commerce anglais. Au monopole, il répond par la prohibition ; il obligera les neutres à fermer leurs ports à l’Angleterre. Mais il lui faut être maître de l’Italie et avant tout s’assurer les passages. Par considération de Paul Ier, il avait retardé la réunion du Piémont, inévitable depuis la création de la Cisalpine ; le 12 avril, il apprend la mort du tsar ; le 13, il prend un arrêté, qu’il antidate du 2 pour y enlever toute couleur de circonstance, et par lequel il organise le Piémont en