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C’est ainsi que la cabale, pour emprunter le mot de Saint-Simon, se déchaînait, et que le pauvre Prince commençait à expier durement ses maladresses et ses fautes. Nous allons voir cependant que, dans ce moment difficile de sa vie, les appuis sur lesquels il avait le droit de compter ne lui firent pas défaut.


III

S’il fallait en croire Saint-Simon, ce serait lui qui aurait paré à tout. Le duc de Beauvilliers, se souvenant de leur conversation de Marly, serait venu dans sa chambre, le cœur pénétré de douleur, lui faire comme une amende honorable. Tous deux auraient raisonné beaucoup, en appelant à leur aide le duc de Chevreuse, sur les moyens « d’ouvrir les yeux au Roi et d’arrêter cette furie, » et ils firent passer des avis au Duc de Bourgogne sur la conduite et le langage à tenir, tant à larmée que dans ses lettres. En même temps, Saint-Simon aurait fait parvenir des conseils à la Duchesse de Bourgogne par Mme de Nogaret, une de ses dames du palais, et, par l’intermédiaire de cette même dame, la Duchesse de Bourgogne l’envoyait souvent consulter, et lui faisait dire franchement où elle en était avec le Roi et Mme de Maintenon. « Je ne crois pas, dit-il à ce propos, qu’elle eût du goût pour la personne de M. le Duc de Bourgogne, ni qu’elle ne se trouvât importunée de celui qu’il avoit pour elle. Je pense aussi qu’elle trouvait sa piété pesante et d’un avenir qui le seroit encore plus, mais, parmi tout cela, elle sentoit le prix et l’utilité de son amitié, et de quel poids seroit un jour sa confiance[1]. » Aussi, éclairée et conseillée par Saint-Simon, la Duchesse de Bourgogne aurait-elle fait merveille. Elle l’emporta auprès de Mme de Maintenon « sur les artifices voilés et les charmes enchanteurs pour elle du Duc du Maine. » Elle fit même le miracle de réconcilier Mme de Maintenon et le duc de Beauvilliers, en froid depuis l’éclat de l’affaire de Fénelon, et Mme de Maintenon, joignant ses efforts à ceux de la Duchesse de Bourgogne et de Beauvilliers, aurait fini par ouvrir les yeux au Roi, qui serait intervenu de la façon que nous a errons tout à l’heure.

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI, p. 241.