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FRÉDÉRIC LE GRAND
D'APRÈS SA CORRESPONDANCE POLITIQUE

II[1]
L’HOMME

Au mois de décembre de l’année 1745, Frédéric II, roi de Prusse, couvert des lauriers de Hohenfriedberg et de Soor, quittait Dresde, où il venait de signer la paix avec l’ennemi chez l’ennemi, pour rentrer triomphalement à Berlin : c’est alors qu’acclamé par les bourgeois de la capitale, pour la première fois il s’entendit saluer du nom de Grand. L’hommage ne dut pas lui déplaire. Mais il s’était déjà couronné d’un autre nom, d’un nom qui sans doute le flattait davantage parce qu’il ne le devait qu’à lui-même, et que l’histoire lui a conservé parce qu’elle l’a trouvé extraordinairement représentatif non seulement du grand Frédéric, mais de l’esprit de tout son temps : c’est le nom de Philosophe. Le siècle de la philosophie avait donc enfin trouvé un roi digne de lui, un roi qui, comme lui, fût sensible, humain, tolérant et vertueux, ami des lumières et ennemi des préjugés, — car on est tout cela par définition quand on est philosophe, — un roi qui fît de la philosophie, comme il disait un jour, sa « seule passion. »

  1. Voyez la Revue du 15 juillet 1902.