ses funérailles, il avait demandé à son élève, Christophe Bernhard, de composer un motet à cinq voix dans le style du maître romain. Il en choisit lui-même le texte dans le psaume CXIX, verset 54 : « Vos oracles me servent de cantique de réjouissance dans le lieu de mon exil ![1]. »
Un des plus purs chefs-d’œuvre du vieux maître, le Dialogue de Pâques, est écrit pour quatre voix. C’est bien une « histoire sacrée » que la première rencontre de Marie-Madeleine avec Jésus ressuscité. Mais Carissimi sans doute aurait pris le sujet autrement : il l’eût traité dans un style à demi récitatif et mélodique à demi. Schütz, au contraire, a fait ici de la polyphonie la principale et merveilleuse ouvrière de la beauté. Non pas que sa musique se compose, alla Palestrina, d’accords et de séries harmoniques pures. Elle chante des mélodies véritables, mais qui se reproduisent, qui s’imitent elles-mêmes, et dont le grand intérêt consiste peut-être en cette imitation, dans les diverses combinaisons et les réactions réciproques qui nécessairement en résultent. On dirait que l’écriture à quatre voix de ce dialogue, autrement dit l’attribution de deux voix à chacun des deux personnages, ne diminue la réalité matérielle de la scène que pour en accroître l’idéale vérité. Quelles ressources, quel renfort d’expression ne fournit point ici la polyphonie ! « Toi qui pleures, interroge le Christ, qui donc pleures-tu ? — Hélas ! répond Madeleine, ils ont enlevé le corps du Maître. » Et que ce ne soit point une voix, mais deux, qui font cette demande et surtout cette réponse, cela justement en fortifie, en étend à l’infini la puissance et la beauté. Les deux voix montent, empiètent et renchérissent lune sur l’autre ; il s’établit entre elles un courant et comme une émulation d’angoisse et de douleur. Sous leur double évolution, la question, redoublée aussi, persiste et se fait implacable. Partout elle retentit, provoquant partout la réponse obstinément désespérée, et bientôt ce n’est plus Madeleine seule, ou les Saintes Femmes avec elle, c’est toute l’humanité qui pleure, le croyant à jamais perdu, le bien de sa rédemption.
Ce début sans doute a des dehors éclatans. Et la fin n’est pas moins fulgurante : « Je vais aux cieux près de mon Père et de votre Père, près de mon Dieu, près de votre Dieu. » Tout à l’heure écrasée par le désespoir, la musique à présent triomphe
- ↑ M. A. Pirro, loc. cit.