l’analyser ici, préférant, par un retour en arrière et dans un coup d’œil d’ensemble, examiner la question, bien autrement intéressante et qu’on a négligée jusqu’à ce jour, de savoir si la Bretagne n’était pas destinée dès sa plus lointaine origine à devenir une province française.
Quand on parle de la Bretagne, on entend généralement le pays qui est situé derrière la Vilaine. C’est à peine si l’on fait une exception en faveur de la presqu’île guérandaise, où l’on parle » encore breton dans quelques villages de paludiers, et dont l’aspect monotone et triste est exactement celui du pays vannetais. Le territoire compris entre la Vilaine et la Maine, entre Nantes et Angers surtout, forme une sorte de province idéale à laquelle j’ai donné le nom de Bretagne angevine. La grande cité nantaise a beau avoir joué un rôle prépondérant dans l’histoire de la Bretagne ducale, le château de Nantes a beau avoir servi de résidence à nos principaux ducs et de berceau à la duchesse Anne, les Nantais n’ont jamais été regardés comme de vrais Bretons, et eux-mêmes, sans renier la Bretagne, à laquelle tant de liens les rattachent, ont toujours vécu un peu en dehors d’elle, La raison en est qu’à l’origine, il n’y avait que de lointaines affinités entre les Bretons du pays de Vannes, de la Cornouaille et de la côte nord, et les Bretons du comté nantais ; que la Loire, qui traverse la marche bretonne-angevine sur une longueur de vingt-cinq lieues avant de se jeter dans l’Atlantique, a toujours été le fleuve français par excellence ; et que, par intérêt et par instinct, Nantes a toujours regardé du côté de Paris. Un petit peuple qui veut se mettre à l’abri des invasions est mal inspiré quand il prend pour frontière un fleuve qui vient d’arroser un grand pays. Il n’y a de vraie frontière fluviale que la rivière qui naît et meurt dans le même pays. C’est pour cela que Nominoë n’aurait jamais dû franchir la Vilaine. En s’emparant du comté de Nantes, il mit lui-même le ver dans le fruit, et le fruit piqué ne tient pas sur l’arbre.
Je n’en dirai pas autant du comté de Rennes. Outre que cette ville morte était dans les terres et n’était pas exposée comme Nantes aux incursions des Francs, le caractère des Redons se rapprochait bien plus du caractère des Bretons d’Armorique que celui des Nannètes. Aussi, dans la longue lutte de la Bretagne contre l’Angleterre et la France, la ville de Rennes a-t-elle presque toujours suivi la fortune de ses ducs. Avant comme