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monde, elles se sont produites à Paris avec une énergie qui ne semble pas devoir aller en décroissant. Les choses se sont gâtées en quelques jours, et le discours de Pons n’était déjà plus une vérité le lendemain du jour où il a été prononcé. Que de simples citoyens ne se contentent pas de protester platoniquement, nous n’en sommes pas surpris. Et les congrégations elles-mêmes, si nous leur déconseillons une résistance matérielle qui serait parfaitement vaine, ne sont pas si désarmées qu’elles ne puissent donner à leurs protestations un caractère très sérieux. Il y a des tribunaux en France : c’est à eux qu’elles doivent s’adresser. Quand on a fait la loi sur les associations, M. Waldeck-Rousseau et M. Combes lui-même ont assuré que son principal mérite était de soustraire les congrégations au bon plaisir du gouvernement pour leur donner une charte juridique et les faire désormais relever des tribunaux. Qu’elles s’adressent donc à ceux-ci. Leurs protestations doivent prendre la forme de papier timbré.

Nous avons dit combien l’interprétation que le gouvernement a donnée à la loi du 1er juillet 1901 était contestable à notre avis ; elle est même sur plusieurs points complètement erronée. De plus, le gouvernement, dans sa précipitation et sa violence, parait bien avoir, dans plus d’un cas, porté atteinte au respect dû à la propriété privée. M. Jules Roche l’a reproché à M. Combes dans une lettre extrêmement vive, et M. Charles Benoist l’avertit qu’il lui en demandera compte à la rentrée. Les procès et les décisions judiciaires, qui auraient dû précéder l’exécution ordonnée par le gouvernement, ne pourront désormais que la suivre, et encore pede claudo, d’un pied boiteux. Mais il importe que les tribunaux se prononcent sur tant de points obscurs d’une loi qu’on pourrait croire avoir été intentionnellement mal faite, tant elle prête à l’équivoque. Les tribunaux seuls ont qualité pour dire ce que la loi a voulu dire : les circulaires de M. Combes n’y suffisent pas. Quant à ses actes, nous avons vu qu’il était impossible de les ramener à une règle quelconque, et qu’ils dérivaient du plus pur arbitraire. Laissons-le s’enorgueillir d’avoir sauvé la République : c’est le passe-temps banal de ceux qui ne savent pas faire autre chose. Quant à nous, républicain, nous gémissons du déshonneur qui lui a été infligé. Si la République ne signifie pas liberté, que signifie-t-elle ? Depuis quelques années, une de nos libertés est particulièrement menacée, insultée, attaquée : c’est celle d’enseigner. On n’a encore fait aucune loi contre elle, et cependant elle n’existe plus. Nous la défendons, indépendamment de nos préférences personnelles en matière de doctrine et d’enseignement,