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On fait, je le sais bien, à la représentation proportionnelle une objection de principe. Elle ne permet pas, dit-on, la constitution d’un gouvernement viable, car elle est incapable d’envoyer à la Chambre une majorité politique. Un gouvernement a besoin de s’appuyer sur une majorité parlementaire homogène que seules peuvent lui fournir des élections majoritaires.

L’argument est médiocre et l’expérience ne lui est guère favorable. Sans remonter au-delà du régime actuel, voilà trente-deux ans que nos Chambres sont élues au système majoritaire, et près de quarante ministères de toutes nuances se sont usés dans la vaine recherche de cette majorité compacte et homogène qu’on nous présente comme le produit logique de notre mode actuel d’élections.

Y a-t-il réellement une majorité homogène dans la nouvelle Chambre ? Il est encore un peu tôt pour l’affirmer. A coup sûr, il n’y en avait pas dans la dernière, ou, ce qui revient au même, il y en avait plusieurs, puisque des hommes comme MM. Méline, Brisson, Deschanel et Millerand ont successivement ou même simultanément obtenu les faveurs de la même assemblée. En réalité, du système majoritaire ne sont jamais sorties que des Chambres divisées jusqu’à l’anarchie et des majorités inconsistantes.