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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/178

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Dès que Stevenson fut informé de sa résolution et qu’il eut reçu en même temps des nouvelles inquiétantes de sa santé, n’écoutant que son cœur, bravant l’avis de son médecin, et sans même prendre congé de ses parens, il partit pour la Californie. Alors, il était pauvre, n’ayant encore publié que ses récits de voyage et quelques articles de revue, qui étaient fort peu payés, et ses parens, méconLens de la carrière qu’il avait choisie, ne contribuaient guère qu’à ses frais de maladie. Il prit donc un billet de passage d’émigrant sur un steamer allant à New-York, où il ne s’arrêta que quarante-huit heures, et, suivant la ligne du chemin de fer Central Pacifique, traversa tout d’une traite l’Amérique jusqu’à San— Francisco. On a publié ses notes de voyage à travers les Montagnes Rocheuses, les plaines du Nebraska et le désert du Wyoming avec ses collines noires[1], notes qui trahissent autant de mépris de la mort, que de curiosité pour les aspects de la vie. Après avoir revu son amie à San-Francisco, il alla d’abord se fixer à Monterey, dont il a donné une belle description :

« L’ancienne capitale de la Californie, dit-il, est située en travers de la baie de Monterey ; l’Océan Pacifique, tout caché qu’il est par des collines basses et des forêts, bombarde son flanc gauche et ses derrières par une houle incessante. Les vagues, qui lèchent si doucement les jetées du port, grossissent en dimension et en sinuosité à mesure qu’on avance vers la pleine mer. On peut voir de jour les brisans qui déferlent hauts et blancs, et, la nuit, les contours de la côte, arrosés par l’écume, paraissent au clair de lune comme un ruban d’argent transparent.

« Le ton général du paysage, auteur de cette baie, c’est la présence obsédante de l’Océan. Le bruit sonore des brisans vous suit très haut, quand on fait l’ascension des canons de l’intérieur. On entend le bruit de la mer dans les chambres propres et vides de Monterey, comme dans ces coquillages de mer qu’on présente à l’oreille. Où que vous soyez, faites halte, et vous entendrez la voix grondante du Pacifique… Un jour, — jour inoubliable, — j’avais pris un sentier inconnu. À quelque distance, les bois commencèrent à s’éclaircir, le grondement de la mer se rapprocha ; je tombai sur une route et même, ô surprise ! sur une

  1. The amateur-émigrant, t. III des Œuvres complètes, Édimbourg et Londres, 1894 et suiv., 23 vol. in-8o.