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Nettleship minor. » Et ainsi jusqu’à la fin de 1864, moment où le jeune homme alla concourir pour une des bourses d’Oxford.


18 novembre. — Départ de Nettleship. Je l’ai vu hier au soir et lui ai dit de ne pas trop s’inquiéter. Qu’à un certain point de vue qui est le plus juste, je ne me souciais pas du tout du résultat. Vainqueur ou non, il suffisait qu’il eut fait de son mieux.


Quatre jours après, Thring, plus ravi qu’il ne voulait le paraître, écrivait en ces termes au triomphateur :


Je vous félicite de tout cœur et il y aurait affectation à diminuer l’importance de votre succès pour l’école, et pour moi. Mais vous savez mes idées. Je regarde plus haut. Qu’il aboutisse à une défaite ou à une victoire, le bon travail reste le bon travail.


Cependant cette intelligence, vive et subtile, rencontrait à Oxford, sur tous les chemins de l’esprit, ces objections qu’un geste dédaigneux de Thring balayait jadis avec tant d’assurance. Il y avait loin des classes socratiques d’Uppingham aux dialogues que présidait Jowett dans le common-room de Balliot, Toujours aussi affectueuses, les lettres de Nettleship laissent entrevoir des luttes secrètes et des angoisses auxquelles Thring ne pouvait rien, puisqu’il ne les comprenait même pas.

La lettre suivante nous montre comment le jeune homme, au milieu des doutes croissans, se réfugiait dans ses années de collège, pour mettre à l’abri du naufrage l’essentiel de sa foi. Il demandait conseil à Thring sur son avenir. Deux voies le tentaient : l’Eglise et l’enseignement. L’Église, ce serait si beau ! mais il n’a plus le droit d’y penser.


Pour m’engager dans cette vie, il faudrait une absolue certitude qui me manque. Vous nous répétiez qu’il y a relativement à l’existence de Dieu bien peu de croyans. Sur cette question et quelques autres de même importance, je pense pouvoir dire que je crois, au sens profond de ce mot. Mais il y a un nombre infini de points moins graves, de difficultés qui ne peuvent pas ne pas venir à l’esprit de quelqu’un qui doit souvent lire la Bible. Or, un doute sur ces points-là empêche qu’on soit tout entier à sa besogne. Dieu sait que dans ce que je vous dis là, l’orgueil de l’esprit n’est pour rien. Rien ne me paraît plus évident que la nécessité, sur certains points, de croire sans preuves… Douter pour douter, il y a trop de gens à Oxford qui s’amusent à ce jeu pour que je ne l’aie pas en horreur, mais leur folie ne nous donne pas le droit d’envelopper dans une même condamnation tous ceux qui doutent. Je ne puis m’empêcher de croire qu’entre les hommes que divisent les opinions théologiques, il y a beaucoup plus de points