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A travers ces impressions que note une main maladroite, transparaît un cœur d’une admirable richesse et que l’expérience n’a pas flétri. Candeur et tendresse, noblesse et souci constant de l’idéal, pensée de Dieu toujours présente et agissante, don de planer naturellement au-dessus des vulgarités de ce monde, en vérité cet homme était de la race des saints. George Eliot parle quelque part avec amertume de la souffrance de ceux qui ont le cœur d’un poète et qui n’en ont pas la voix. Thring n’a pas connu cette souffrance, mais ses amis la connaissent pour lui.

Gestes et paroles, le poème de sa vie très pure et très haute manque de style. On n’y trouve presque à aucune page ce mélange de grâce, de mesure, de goût et même d’esprit qui donne comme une saveur plus humaine à la vie de quelques grands saints. Mais, en définitive, cette auréole refusée à Thring n’enlève rien au mérite essentiel des âmes. S’il ne fut pas artiste en sainteté, il fut saint, ce qui sans doute est plus important.

Et puis, quelque prix que nous attachions, nous Français surtout, aux qualités qui lui manquèrent, Edouard Thring eut la vertu capitale qui suffit à elle seule et sans laquelle le reste n’est rien. Ce fut une âme vivante et vivante d’une vie pleine, débordante, incessamment renouvelée.


Jetez les livres de classe, chassez les amateurs de conférences et les liseurs de cours tout faits. Ouvrez la porte au professeur. Au vent ces papiers, et faites entrer la vie !


Ce qu’il disait de la manière de faire la classe est comme la devise de tous ses actes. Sa vie tout entière est comme un hymne à la puissance, à l’excellence de la vie, à la gloire que le Christ nous a offerte en couronnant, par l’infusion de sa vie divine, l’épanouissement généreux et persévérant de notre propre vie.


Mon credo à moi, c’est la vie ! Bénie soit la vie, cette royale chose, oui bénie, malgré ses amertumes et ses agonies, et bénie, plus que tout, la certitude absolue où nous sommes que la vie ne peut pas mourir. Non, pas une larme vivante, pas un soupir ne doit périr. Tout est semence pour l’éternité !


De là chez lui ce noble optimisme, et ces idées libérales qui dépassaient de si loin la naturelle étroitesse de son esprit.


Je ne consens pas du tout à envoyer le théâtre au diable, pas plus que la danse, Rien de plus littéraire qu’une pièce bien jouée, rien qui mette