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Par suite de circonstances imprévues, l’instruction de M. le Duc de Bordeaux pour les sciences profanes s’est trouvée livrée à un seul homme depuis les événemens de 1830. Cet homme s’en est acquitté de manière à être considéré comme la cause principale de l’instruction que l’élève a acquise. M. B…[1] a enseigné les langues, la géographie et l’histoire avec méthode et clarté : il a dirigé et maintenu l’élève avec mesure et prudence.

On avait toujours eu l’idée d’appeler une autre personne pour l’enseignement des lettres ; mais si, d’une part, il y avait des obstacles insurmontables, de l’autre, les heureux résultats obtenus par M. B…, son zèle soutenu, avaient fait abandonner cette idée, lorsqu’un événement imprévu en a rendu l’exécution nécessaire. Il est naturel, d’ailleurs, qu’à l’époque où l’éducation du Duc de Bordeaux va changer de nature, puisqu’il ne s’agira plus des élémens des sciences, mais des sciences mêmes, un nouvel instituteur soit adjoint au premier. Dans tous les cas, M. B… devait être et sera chargé d’enseigner les sciences mathématiques.

On voit maintenant qu’il ne peut être question d’un maître ordinaire, et qu’un nouvel instituteur devra joindre à une instruction profonde un caractère connu et élevé.

Le Roi ayant approuvé cette note, le marquis de Foresta la prendra pour règle de sa conduite, sauf toutefois les instructions verbales que S. M. s’est réservé de lui donner.

Au Hradschin, le 18 janvier 1833.

LE BARON DE DAMAS.


Le marquis de Foresta avait eu le temps de se convaincre de la nécessité d’une réforme dans l’éducation du prince. Voici la très curieuse note qu’il rédigea à Prague :

APPRÉCIATION DU MARQUIS DE FORESTA SUR L’ENTOURAGE DE M. LE DUC DE BORDEAUX

Le jeune prince est charmant et donne les plus grandes espérances. Son instruction est poussée aussi loin, plus loin même qu’elle ne l’est ordinairement à son âge. La note remise par le baron de Damas pour me guider dans le choix que je dois faire pour lui d’un nouveau maître, l’indique suffisamment. Mais il s’en faut de beaucoup que la nature des personnes dont il est entouré réponde à de si heureuses dispositions.

M. Barrande est chargé seul à peu près de la partie de l’enseignement Ancien élève de l’École polytechnique et connu par de grands succès, doué d’une mémoire prodigieuse, d’une érudition vaste et d’une excellente méthode d’enseigner, il a certainement tout ce qu’il faut, et au-delà, pour réussir dans cette partie ; mais son caractère est fier, impérieux, hautain ; tout plie sous lui autour du jeune prince ; il décide, il tranche, il donne hautement la loi. Le baron lui-même, par une suite de son excessive bonté,

  1. Barrande.