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en partie les ennuis et les tourmens auxquels le jeune prince fait allusion. M. de Blacas a un moment espéré le rappel de M. de Damas :


Mon cher baron, j’attendais depuis longtemps une bonne occasion pour vous écrire, et je saisis avec bien du plaisir celle que me procure le départ pour Paris du comte de Houille ; il n’a pas le projet d’y faire un long séjour ; il vous dira ce qui le décide à s’y rendre ; il vous parlera à fond de notre triste position, il vous donnera des nouvelles de tous les habitans du Hradschin, et je m’en remets à lui pour tous les détails qui nous intéressent ; mais je ne m’en remettrai à personne, mon bien cher baron, pour vous parler de mon attachement et de l’espoir dans lequel j’avais été de vous en renouveler moi-même l’assurance. Cet espoir avait augmenté après la réception de votre dernière lettre et de la note qui s’y trouvait jointe. Je n’étais point ici quand l’une et l’autre sont arrivées, elles ont été ouvertes et lues avec le plus vif intérêt ; on me les a envoyées aussitôt, et à la manière dont on s’exprimait, je me flattais que l’on inviterait l’auteur de la note, qu’on trouvait si parfaite, à mettre ses théories en pratique. Mais de nouvelles difficultés se sont présentées sans doute, car j’ai trouvé que d’autres dispositions avaient été prises ; il peut y avoir quelque chose de passable dans ce qui a été fait, mais, pour le moment, ce qu’il y avait de bon, de très bon, a été encore éloigné, ou plutôt écarté, et voilà ce qui nie peine avec d’autant plus de raison que j’en prévois tous les inconvéniens, pour un avenir qui n’est pas fort loin du présent. Il faut cependant attendre qu’une nouvelle circonstance se présente, et, sans la regarder comme rapprochée, je la prévois, je la désire et je n’oublierai rien pour ne pas la laisser échapper. L’utilité dont je la crois vous est une nouvelle assurance des soins que je me donnerai.

Vous saurez par M. de B…[1] que toutes les santés sont fort bonnes, que l’on[2] se dispose à quitter le voisinage, que cet éloignement, qui a été décidé par l’insistance des hauts personnages qu’on a été voir dernièrement, est regardé comme d’autant plus heureux qu’on a promis de ne pas revenir, et l’on pense ici que cette mesure était indispensable.


Le 8 novembre 1835, le prince écrit :


Je ne veux pas vous répéter que les jours que nous venons de passer ont été bien tristes pour moi, car il y a deux ans que vous êtes parti. Je vous prie encore une fois de venir nous voir. Vous me feriez grand plaisir et vous pouvez être sûr d’être reçu à bras ouverts. Vous ne me laisserez pas vous prier en vain. J’espère au moins que vous êtes heureux dans ce vieux château que vous habitez[3]. Il est sûrement plus avantageux d’être chez soi, que d’être toujours transporté de côtés et d’autres comme nous. Voilà jusqu’ici notre sort. Mais c’est Dieu qui le veut, il faut s’y résigner. En

  1. M. de Bouillé.
  2. La Duchesse de Berry.
  3. Le château d’Hautefort, qui appartenait à la baronne de Damas, née d’Hautefort.