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étrangère. L’auteur n’entre pas dans les détails, mais il préconise la formation d’un grand conseil fédéral, qui aurait pour mission de diriger les affaires extérieures du « nouvel empire ».

Des difficultés de tous ordres s’opposent à l’exécution de ce plan, les énormes distances entre les différentes parties de l’Empire, les jalousies des gouvernans, — il n’y a pas un gouvernant plus susceptible pour tout ce qui affecte sa dignité qu’un Premier colonial. On ne voit pas comment pourrait se constituer un système commun de forces militaires et navales entre tant de parties si distantes les unes des autres. Il y a d’autres obstacles encore. Les colonies anglaises ne s’intéresseront jamais aux complications de la politique internationale européenne. À Washington, dans les cercles officiels, on est à peu près informé au sujet des affaires intérieures des États d’Europe ; mais, pour la masse des Américains, il y a de l’autre côté de l’océan Atlantique une grande puissance, qui est l’Angleterre, et une autre grande puissance, qui est l’Europe. On connaît bien les noms des diverses parties du continent, mais comme on connaît en France, dans la masse populaire, les divisions de l’empire de Chine ou les gouvernemens territoriaux de la Russie.

Telle sera exactement la situation des colonies anglaises à l’égard des affaires d’Europe. Comment, dans ces conditions, pourra-t-il exister une diplomatie impériale ?

« Dans les vingt dernières années, dit Mahan, la Grande-Bretagne a passé par deux crises graves, qui ont été deux crises d’empire. Qu’il s’agît de l’Irlande ou de l’Afrique du sud, la question réelle était : « La Grande-Bretagne existera-t-elle comme empire, ou bien tombera-t-elle en pièces par une série de sécessions volontaires ou tolérées ? » Il y eut un moment tout à fait critique, lorsque l’effort de Parnell pour la rupture du lien entre l’Irlande et l’Angleterre eut l’appui de Gladstone, et d’autre part Mahan compare la terrible lutte soutenue en Amérique pour le maintien de l’Union avec l’effort gigantesque fait par l’Angleterre pour éviter la rupture dans l’Afrique du sud. Déjà, dans un écrit publié en décembre 1900 sur la guerre sud-africaine, il avait exprimé l’admiration la plus vive pour l’enthousiasme et l’unanimité avec lesquels les colonies anglaises offraient leurs services à la mère patrie. « Ce que la victoire de Dewey a été pour l’expansion des États-Unis, ce que le bombardement du fort Sumter en 1861 avait été pour la cohésion du sentiment d’union