Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans tous les temps, la Méditerranée a été, par excellence, le domaine français. L’accroissement de la population française en Algérie et en Tunisie, l’augmentation constante du commerce de la métropole avec ses colonies de l’Afrique du Nord, font, de plus en plus, de la prépondérance dans la Méditerranée, un article essentiel de notre programme politique. Bizerte nous aidera à reprendre et à conserver, dans ces parages où nos flottes ont si souvent promené avec gloire le pavillon fleurdelisé et le pavillon tricolore, une situation assez forte pour y sauvegarder tous nos intérêts et y maintenir intact notre prestige. Ce sera le rôle méditerranéen de Bizerte.

A un point de vue plus strictement tunisien et algérien, la transformation de Bizerte en un arsenal maritime et en un camp retranché marque aussi une date dans l’histoire de l’Afrique française. Le régime du protectorat en Tunisie, l’abandon progressif du système des « rattachemens » en Algérie, montrent de plus en plus la tendance à faire de nos deux possessions africaines, non pas des colonies autonomes, mais des colonies qui, liées très étroitement à la mère-patrie par la communauté du sang et des intérêts, seront, en même temps, capables de se suffire à elles-mêmes et de pourvoir à leurs propres besoins. Avec le port de guerre de Bizerte, l’Algérie-Tunisie se trouve dotée d’un organe de plus ; elle est mise en état de se défendre, dans une certaine mesure, elle-même ; elle aura peut-être un jour une marine indigène, comme elle a une armée indigène. Si les péripéties d’une longue guerre européenne venaient à isoler l’Afrique française de la métropole, Bizerte deviendrait le réduit de la défense, la base d’opérations, et, au besoin, le refuge de l’armée d’Afrique. Très forte, dès aujourd’hui, sur le front de mer, — les dernières grandes manœuvres viennent de le montrer, — la place a besoin, pour remplir ce grand rôle, d’être défendue du côté de la terre par des ouvrages capables, non seulement de repousser un « raid » tenté, pour détruire l’arsenal, par un ennemi débarqué sur quelque point des côtes, mais encore de soutenir un long siège ; l’histoire prouve que c’est toujours à des attaques du côté de la terre qu’ont succombé les grands ports de guerre. Il est, en outre, indispensable que le ministère de la Guerre et les gouvernemens d’Algérie ou de Tunisie se préoccupent de doter l’Afrique du Nord d’une fabrique de poudre et d’explosifs, d’une fonderie de canons et d’une manufacture d’armes.