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DÉBAT DE CONSCIENCE I M. de Saiivray était dans son cabinet de travail, une longi e pièce en rectangle, prenant jour par deux fenêtres, au midi, sur un boulevard, à l’ouest, par une baie qui regardait le jardin de rhôtel. Tout un côté en était occupé par une bibliothèque. Au fond un divan, et au-dessus un portrait de femme en blanc, pein- ture mousseuse et molle qui trahissait la manière d’une époque déjà lointaine. En face, entre les deux croisées, reposait, sur une console d’assez beau style, un buste de marbre, superbe morceau de statuaire vraiment large et libre, rappelant la grande facture des Gaffieri. Le modèle secouait une lourde chevelure en brous- saille, la bouche était vivante, il parlait, il faisait sa leçon, car c’était un maître. Ce marbre ne représentait rien de moins quje M. de Sauvray, le père, historien et philologue; Gilbert de Sauvray était un fils de l’Institut. Le père avait formé cette riche bibliothèque, dont les rayons portaient trois rangées de volumes, que ce fils unique était en état de lire, tenant du « maître » une forte éducation, et une curiosité de voir et de savoir qui, tout jeune, l’avait conduit à de longs voyages. Le portrait peint était celui de sa mère, une mondaine, tournée à la dévotion depuis son premier cheveu blanc. Elle vivait encore dans la pratique de plusieurs vertus. Il était environ quatre heures de l’après-midi, un jour de petit printemps, le dernier de mars. Il y avait au ciel plus de bleu que de gris, et dans le jardin, aux bras noirs des vieux tilleuls, des écharpes vertes. C’est pourquoi, un coup léger ayant été frappé TOAIE XI. — 1902. 48