Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/866

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ici sont internes. J’assiste à une leçon de français faite par une jolie maîtresse qui mériterait d’être Parisienne. Elle prononce admirablement et sait rendre sa leçon aussi animée que possible. C’est un charmant spectacle que celui de ces fillettes en pèlerines et tabliers blancs, promptes à tout saisir, se renvoyant la balle dans une langue que quelques-unes ne font encore que balbutier. Nous passons de là aux régions supérieures, où un jeune professeur venu de France donne une leçon de littérature. Il corrige des compositions dont le sujet est celui-ci : l’étude de la géographie proposée comme dérivatif au désir des voyages ; et m’a l’air un peu intimidé par tous ces beaux yeux braqués sur lui. Le général me dit tout bas que c’est un nouveau, à l’essai : il n’a pas encore d’uniforme. Le professeur de physique porte le sien avec aisance. Au nombre des auditrices, quelques jeunes filles, plus âgées que les autres, se distinguent par la couleur puce de leurs robes. Celles-là se destinent à l’enseignement ; elles échangeront le diplôme décerné dans l’Institut même contre un autre conféré par le ministère de l’Instruction publique, mais on ne les y encourage pas. Les Instituts de la noblesse forment des femmes du monde, des mères de famille ; cependant, sur 240 pensionnaires, la moitié, filles d’officiers supérieurs, sont élevées aux frais de l’Etat ; elles risquent fort de devenir institutrices ou dames de compagnie, malgré le petit cadeau d’argent qui est censé leur servir de dot. A celles-là sans doute l’avenir, avec son étroitesse et sa dépendance, doit apparaître bien dur. Quelque chose de semblable arrivait autrefois à nos élèves de la Légion d’honneur, sauf que jamais la maison de Saint-Denis ne fut organisée sur ce pied de grand luxe.

Les demoiselles de la noblesse mènent ici ce que j’appellerais volontiers une vie de château. Ce sont, dans les grands escaliers, dans les vastes salles aux parquets luisans comme une glace, de petits pas pressés qui palpitent dans le silence ; une irréprochable révérence vous est tirée, un aimable visage sourit, l’air heureux. La règle de cette maternelle maison ne paraît peser sur personne. Tout y est agréable, l’infirmerie même, si coquette qu’on doit vraiment y prendre son parti d’être malade, d’autant que les amusemens ne manquent pas aux convalescentes. Le service de l’Institut est fait par de jeunes domestiques qui, elles aussi, ont un petit uniforme propret. Elles