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plupart des écrivains de l’autre sexe dans un pays où il en coûte d’avoir des idées et d’oser les exprimer. — Valentine Dmitrieff n’alla pas en Sibérie comme Korolenko et tant d’autres ; elle passa quatre années d’exil à Tver, en vertu de ce système difficile à comprendre, qui sème les révoltés dans telle ou telle ville de province, que leur présence agite sans que le déplacement, le changement de milieu puisse être d’ailleurs une punition bien efficace. A Tver, tout en continuant à pratiquer la médecine, Valentine Dmitrieff collaborait aux revues, aux journaux. Il reste d’elle une étude très poussée, très approfondie de la situation actuelle du village en Grande-Russie. Parmi ses types intellectuels sont surtout mis en relief les radicaux de 60-70. En général, elle juge avec impartialité les écarts et les exagérations de l’esprit russe.

Le roman social, né en 1870, fut remplacé dix ans après par le roman psychologique où se distingua l’écrivain qui signe Krestovsky ; ses peintures de la vie de province, ont une véritable valeur.

Aujourd’hui le mouvement littéraire est franchement réaliste, il y a peu de place pour la sentimentalité, on juge que tout a été dit sur les amours mondaines, l’adultère, les mœurs raffinées ; on passe des portraits de gens du monde à ceux des classes moins favorisées, paysans et prolétaires. Dans la critique et le journalisme s’est signalé un certain Nikolaïeff, qui n’est autre que Marie Tsebrikoff, directrice de la Revue : Éducation et Instruction, où les droits de la femme à l’émancipation intellectuelle sont défendus avec ardeur. Nommons encore parmi les poètes, Anne Barikoff, interprète des souffrances des humbles, traductrice des principaux poètes français, anglais et allemands, et parmi les romanciers, Sophie Smirnoff, l’auteur du Petit feu. Originale, sinon supérieure en ses productions, est Rachel Chine, qui proteste contre la futilité de la vie mondaine et affiche des sympathies hardies pour le prolétariat ; elle met aussi en avant le type de l’Israélite intellectuel, pionnier du réveil des idées dans les masses juives. Et, dépassant de beaucoup un groupe nombreux de féministes, Tatiana Chtchepkine-Koupernik, de Moscou, demande éloquemment le renouvellement de la bourgeoisie par la fusion avec les classes ouvrières.

Elle a traduit nos poètes, Victor Hugo, Richepin, Rostand. Ce fut un petit prodige. A douze ans, elle débuta par une poésie