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manière plus ou moins complète, MM. Léo Errera, Ch. Ed. Guillaume, L. Bourdeau et Ed. Griffon. Nous prendrons pour guides les belles études de Rauber, d’Ostwald et de Tammann sur les cristaux et les germes cristallins, études qui ne sont que le prolongement de celles de Pasteur et de Gernez. Elles aboutissent à doter les êtres cristallins des principaux attributs des êtres vivans : la forme définie rigoureusement, l’aptitude à l’acquérir et à la rétablir en réparant les mutilations qu’on leur inflige ; l’accroissement nutritif aux dépens des eaux mères qui forment leur milieu de culture ; et enfin, chose plus incroyable, tous les caractères de la reproduction par génération. — D’autres faits curieux observés par d’habiles physiciens, W. Roberts-Austen, W. Spring, Stead, Osmond, Guillemin, Charpy, Ed. Ch. Guillaume, montrent que l’immobilité et l’immutabilité des corps réputés les plus rigides, tels que le verre, les métaux, l’acier, le laiton ne sont qu’une fausse apparence. Au-dessous de la surface du morceau de métal qui nous semble inerte, s’agite toute une population grouillante de molécules, qui se déplacent, voyagent, se groupent pour constituer des figures définies, pour prendre des formes adaptées aux conditions de milieu. Quelquefois elles n’arrivent qu’après des années à l’état d’équilibre ultime et définitif, qui est celui de l’éternel repos….

Mais, pour comprendre ces faits et leur interprétation, il est nécessaire de rappeler les caractères fondamentaux des êtres vivans qui sont précisément ceux que l’on prétend retrouver dans la matière inanimée.


I

Les enseignemens de la science se trouvent être, ici, d’accord avec les conceptions des philosophes et avec les imaginations des poètes. Les anciens ont fait de tous les corps de la nature, vivans ou bruts, les pièces constitutives d’un organisme universel, le macrocosme, qu’ils comparaient au microcosme humain. Ils lui attribuaient un principe d’action, la psyché, analogue au principe vital, pour diriger les phénomènes, et un principe intelligent, le nous, analogue à l’âme, pour les comprendre. La vie universelle, ou l’âme universelle ont joué un grand rôle dans leur métaphysique. — De même pour les poètes. Leur tendance a toujours été d’animer la nature, afin de la