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d’une école ou d’une secte. Leibniz n’était point matérialiste et il a doté ses élémens du monde, ses monades, non seulement d’une sorte de vie, mais même d’une sorte d’âme. Le Père Boscowich ne refusait pas à ses points indivisibles une espèce de vitalité inférieure. Et saint Thomas, le docteur angélique, selon M. Gardair, accordait aux substances inanimées un certain genre d’activité, des inclinations natives, et une appétition réelle vers certains actes.


III

Il y aurait deux manières de mettre à l’épreuve la doctrine de l’identité essentielle de la matière brute et de la matière vivante : l’une plus lente et plus laborieuse, l’autre plus rapide et plus décisive.

Le procédé laborieux, celui que nous serons obligés de suivre, consistera à examiner attentivement les diverses activités par lesquelles se traduit la vie et à en retrouver les équivalens, plus ou moins informes chez les êtres bruts ou chez certains d’entre eux.

Le procédé rapide et décisif, qui malheureusement est hors de nos ressources, consisterait à montrer, en fait, la vie nettement caractérisée, la vie supérieure, sortant de l’espèce de vie inférieure attribuée à la matière universelle. Il faudrait fabriquer de toutes pièces, par la conjonction convenable des matériaux inorganiques, un seul être vivant, fût-ce la plus humble plante ou l’animal le plus rudimentaire. Ce serait, en effet, la preuve irréfutable que l’activité vitale est contenue tout entière, en germe, dans l’activité moléculaire des corps bruts, et qu’il n’y a rien d’essentiel à celle-ci qui ne se retrouve dans celle-là.

Malheureusement, cette démonstration ne peut être donnée. La science n’en fournit aucun exemple.

La question qui est ici en jeu est celle de la génération spontanée. On sait que, mise en avant à propos d’animaux élevés en organisation, tels que les souris, par van Helmont, et les poissons par Aristote ; puis adoptée par l’opinion commune, à propos des insectes, puis des vers, puis des infusoires et enfin des végétaux les plus rudimentaires, l’hypothèse de la génération spontanée de l’être vivant aux dépens des matériaux du milieu ambiant a été repoussée successivement de tous les cadres de la