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l’individu vivant. La forme anatomique désigne l’animal ou la plante : de même la forme cristalline fournit le signalement de l’individu et en permet la diagnose. Cette forme est adéquate à sa substance et aux circonstances ambiantes où elle se produit : elle est la condition d’équilibre matériel correspondant à une situation donnée.

Cette notion d’une forme spécifique liée à une substance donnée, dans des conditions données, doit être retenue. On peut la considérer comme une sorte de principe de la nature, de loi élémentaire, qui pourra servir de point de départ pour l’explication des phénomènes. Une substance déterminée, dans des conditions de milieu identiques, entraîne rigoureusement une certaine forme. Cette liaison étroite de la substance à la forme, admise comme un postulat des sciences physiques, a été transportée par quelques naturalistes philosophes aux sciences biologiques.

C’est la base, peut-on dire, du système biologique de M. Le Dantec. Cessons de chercher dans l’être vivant le modèle du cristal : faisons l’inverse. Cherchons dans le cristal le modèle du vivant. Nous aurons donné une base physique à la vie.

S’agit-il d’expliquer cet incompréhensible, cet insondable mystère qui fait que la cellule œuf attirant à elle les matériaux du dehors arrive à édifier progressivement l’étonnante construction qui est le corps de l’animal, le corps de l’homme, le corps d’un homme déterminé, de Primus, par exemple ? On dira que la substance de Primus est spécifique. Sa substance vivante lui est propre, spéciale ; et cela, depuis les commencemens de l’œuf jusqu’au bout de ses métamorphoses. Il ne reste plus qu’à transporter à cette substance vivante prodigieusement complexe, le postulat, emprunté à la cristallographie, de l’absolue dépendance de la nature d’une substance à la forme qu’elle revêt. La forme du corps de l’animal, de l’homme considéré, de Primus, c’est la forme cristalline de leur matière vivante. C’est la seule forme d’équilibre que puisse prendre cette substance, dans les conditions données, de même que le cube ou la trémie est la forme cristalline du sel marin, le seul état d’équilibre du chlorure de sodium dans l’eau de mer évaporée lentement. Ainsi, le problème de la forme vivante se trouve ramené au problème de la substance vivante, qui semble plus facile et, du même coup, le mystère biologique au mystère physique. Il est certain