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de villages, appartenant à la même population, l’un pour la saison sèche, dans les lieux sujets à submersion, l’autre pour la saison des hautes eaux, est fréquente dans la région du Tchad et témoigne de l’étendue des inondations du lac. « Après 12 kilomètres de marche, nous passons au petit village de Bangoa. Toutes ces agglomérations ne sont toujours que des annexes de villages permanens situés à l’intérieur. » Tout à fait au nord du lac, en plein Kanem, à Yara et avoisinant le Sahara : « Actuellement (février), le Tchad se trouve au moins aux trois quarts de sa descente ; de l’autre côté du sentier, les grandes surfaces couvertes de roseaux énormes et vigoureux sont indubitablement submergées par les hautes eaux ; actuellement même, bon nombre de ces massifs ont encore les pieds dans l’eau que nous cachent seules leurs hautes tiges vertes et leurs feuilles frémissantes. » Le lendemain : « La plaine est couverte d’un tapis de graminées rudes et piquantes ; c’est une plaine d’inondation, bien entendu, mais qui, peut-être, ne se recouvre pas d’eau tous les ans… Ce qui m’indique que le lac doit encore baisser notablement, c’est que les sentiers du medjebed, traversant le petit golfe, sont très visibles sous l’eau et ont dû être creusés par les pieds des animaux alors que le sol était à découvert. » Le surlendemain (8 février) : « La marche entière d’aujourd’hui s’effectue sur une plaine dont presque partout, — sauf sur le sommet de rares petites ondulations, formant îles ou presqu’îles allongées, — la surface est immergée lorsque les eaux du Tchad sont très hautes. » Toutes ces observations s’appliquent à la région du Kanem. Plus au sud, à l’est et également en territoire français, à la hauteur du Bahr-el-Ghazal, « au dire des indigènes, lors des très hautes crues du Tchad, l’eau s’avance jusqu’à une soixantaine de kilomètres dans l’intérieur des terres… ; le sol est jonché de coquilles palustres, témoignage du séjour des eaux à certains momens. » Quand on approche du Chari : « dans cette région, les gommiers sont très beaux, mais l’écorce de la partie inférieure de leurs troncs est noire et rugueuse, ce qui provient, à mon sens, de leur séjour périodique dans l’eau… Toute cette région que nous venons de parcourir est recouverte, pendant la saison des pluies, par la divagation des eaux du Chari ou des innombrables bras de son delta[1]. »

  1. Mission saharienne, p. 592, 601, 613, 617, 624, 626, 627, 631, 639, 641, 642, 647, 648, 649, 664, 669, 671, 672, 673.