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que l’absence de débouchés et l’insécurité ont maintenue dans la médiocrité. Cette Égypte intérieure, il appartient à la France de la mettre en communication avec le reste du monde par l’établissement d’une voie ferrée transsaharienne. La facilité d’exécution et d’exploitation de cette voie ferrée est évidente[1] ; les élémens de trafic abondent, avec des prix de transport pouvant descendre à 2 centimes 1/2 ou 3 centimes le kilomètre (75 ou 90 francs la tonne du Tchad à la Méditerranée) ; peaux d’animaux, dans ce pays exubérant en bétail ; plantes et substances tinctoriales ; et surtout le coton, dont le pays peut produire et exporter des centaines de mille tonnes ; sans parler des produits minéraux, comme le cuivre dont l’existence est partout attestée ; en sens inverse, sel, sucre et produits manufacturés divers.

La France a manqué au XVIIIe siècle sa mission colonisatrice ; les circonstances lui ont fourni l’occasion inespérée d’essayer une nouvelle carrière coloniale ; mais si, par l’incompréhension ou l’indifférence du gouvernement et de l’opinion, elle ne sait pas rattacher rapidement à l’Algérie par une voie ferrée ces territoires qu’on a nommés « les Indes Noires » et que nous appelons, quant à nous, la Nouvelle-Égypte, l’Égypte Intérieure, elle aura, de nouveau, et cette fois sans retour possible, failli définitivement à sa mission colonisatrice : elle n’aura jamais d’Empire africain.


PAUL LEROY-BEAULIEU.

  1. Voyez notre étude sur le Chemin de fer transsaharien dans la Revue du 1er juillet 1899, et aussi la cinquième édition de notre ouvrage : la Colonisation chez les peuples modernes.