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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/237

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que la même loi a donné pour juges définitifs aux congrégations, qui ? la Chambre et le Sénat. Il en résultait comme conséquence logique que les évêques avaient une responsabilité plus grande encore qu’autrefois en ce qui concerne les congrégations, et aussi une qualité plus évidente pour en prendre la défense devant le tribunal qui devait prononcer sur leur existence. Si le droit avait été reconnu au gouvernement d’accueillir ou de repousser par décrets les demandes d’autorisation, c’est au gouvernement que les évêques auraient adressé leur lettre. Ce droit ayant été attribué au Parlement, c’est aux membres du Parlement qu’ils l’ont écrite. Il n’y a là rien de répréhensible, quoi qu’on en dise. Les évêques n’attaquent pas la loi de 1901 ; ils ne l’approuvent, ni ne la blâment ; ils s’y conforment comme à un fait auquel ils doivent se soumettre, et se contentent de plaider pour les congrégations devant le tribunal même que cette loi a institué. En donnant à leur plaidoyer un caractère collectif, il est possible qu’ils aient manqué à certaines règles à notre avis bien démodées : mais, pour tout le reste, ils ont rempli un devoir. Ils l’ont fait avec un mélange de respect et d’indépendance à l’égard du Saint-Siège qui nous paraît heureux ; avec un souci sincère de sauver les œuvres que les congrégations ont créées et qu’elles seules peuvent faire vivre ; enfin, avec une bienveillance sérieuse et profonde à l’égard des persécutés. Et, à supposer qu’ils soient exposés pour cela à quelques désagrémens personnels, ce n’est pas nous qui leur en ferons un reproche, surtout à l’heure où nous sommes, et en face d’un gouvernement qui abuse de tout. Si l’on pouvait le déférer lui-même comme d’abus devant un tribunal impartial et libre, nous savons bien ce qu’il en adviendrait.

L’interpellation par laquelle la session s’est ouverte a prouvé, en effet, avec évidence l’abus qui a été fait par le ministère de la loi de 1901. La discussion a été vive, animée, élevée et brillante de la part de l’opposition : du côté opposé, M. Combes en a soutenu ou plutôt subi tout le poids. Il n’y a été aidé par personne, pas même par M. Jonnart, qui, après avoir donné de grandes satisfactions à l’extrême gauche dans un discours où il a attaqué les congrégations avec véhémence, a tourné bride tout d’un coup, et a fait tant de réserves sur la manière dont le gouvernement avait opéré qu’on n’a plus bien compris ce qu’il approuvait et ce qu’il désapprouvait. Peut-être ne l’a-t-il pas bien su lui-même, car il s’est abstenu au moment du vote et a laissé ses paroles sans conclusion. Mais M. Aynard, M. de Mun, M. Denys Cochin, M. Charles Benoist, dans leurs discours, et M. Ribot dans des interruptions très opportunes, sans revenir sur la discussion à laquelle