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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/333

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été amenés à accepter l’assurance obligatoire. « La légitimité de cette mesure, disaient-ils dans l’exposé des motifs, ne saurait être contestée. C’est en vain qu’on présenterait l’épargne forcée, l’épargne imposée, malgré lui, au travailleur, comme une atteinte inique à sa liberté. L’ouvrier paresseux et imprévoyant est fatalement condamné à tomber un jour à la charge de l’assistance publique, et le législateur a le droit de prendre des mesures préventives pour que la faute d’un seul ne retombe pas sur la société tout entière. Pour les chefs d’entreprise, ils ont à remplir des devoirs de paternité sociale. Ils doivent aide et assistance à leurs ouvriers quand la maladie les frappe, quand la misère les attend ; c’est là une obligation morale incontestable, que nous transformerions volontiers en lien juridique. Suivant nous, en effet, l’assurance à ces caisses doit être obligatoire, et, si leur création est reconnue nécessaire, il serait puéril de dire qu’elle doit être spontanée et facultative… Quand les intéressés, en raison même de l’état de désorganisation où nous sommes, ne peuvent ou ne veulent pas s’y prêter, le pouvoir qui provoque, même par une contrainte légale, la fondation de ces établissemens d’utilité sociale, prend en définitive une mesure de police très légitime rentrant dans le devoir général qui lui incombe de procurer la paix et la prospérité publiques. »

L’économie de la proposition était très simple et nous n’en donnerons que les grandes lignes, car nous en retrouverons tous les détails en analysant le rapport Guieysse et la législation allemande. Elle consistait à grouper autour de grandes caisses régionales, instituées dans les circonscriptions établies par la loi du 19 mai 1874, tous les membres d’une même profession ou d’une même industrie. Ces caisses corporatives constituent une mutualité obligatoire, ayant pour but de garantir les membres participans contre les conséquences de la maladie et de la vieillesse, et sont alimentées par une retenue sur le salaire de l’ouvrier ou employé et par une contribution de l’entreprise.

« Il ne s’agit pas de constituer l’Etat lui-même assureur, administrateur ou exploiteur de caisses de prévoyance, mais de lui accorder le droit d’exiger que les ouvriers soient efficacement garantis contre les maux inhérens à la nature humaine ou particuliers à leur condition. Il ne s’agit pas de substituer l’Etat aux initiatives privées, de solliciter son appui ou son concours financier, qui aboutiraient à une absorption finale, mais de lui