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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/335

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parler tout à l’heure. Elle se heurte à des préjugés profondément enracinés sur la centralisation de l’épargne populaire et sur son emploi, et elle soulève, nous le reconnaissons, des difficultés d’application qui exigent une surveillance ferme et une politique inaccessible à certaines influences. Mais il n’y a pas de milieu entre le socialisme d’Etat, qui détruit toute initiative et toute liberté, et le régime corporatif, qui respecte la liberté et la dignité humaine en permettant aux individus et aux familles de se constituer en organismes sociaux capables de faire face aux exigences de la vie et de remédier à toutes les misères.

Il est intéressant de rapprocher de cette proposition celle qui a été déposée en 1895 par M. André Lebon et qui admet également le principe de l’obligation. M. Lebon vise particulièrement l’assurance contre l’invalidité et tient compte non de l’âge de l’assuré, mais de sa capacité de travail. Il s’est inspiré, sur beaucoup de points, de la législation allemande, notamment dans la division des assurés en cinq classes dont les cotisations varient proportionnellement au montant des salaires, et dans la contribution fixe versée par l’Etat en cas d’insuffisance de la pension acquise. Mais M. Lebon s’est prononcé pour le système de la Caisse centrale administrée par l’Etat et se montre opposé à la liberté d’emploi des fonds provenant de l’épargne populaire. Cette proposition, qui s’inspire des meilleurs exemples, mérite d’être consultée et présente un ensemble remarquable.

Nous ne devons pas oublier non plus un projet de loi sur les retraites ouvrières, déposé au nom du gouvernement par M. Maruéjouls, ministre du Commerce (octobre 1898). Ce projet comporte l’obligation, les versemens corrélatifs égaux des patrons et des ouvriers, la capitalisation et la majoration éventuelle de l’Etat. Mais il se prononce pour l’assurance par l’Etat au moyen de la Caisse nationale des retraites reconstituée.

Les propositions déposées par les socialistes varient peu et ne comportent pas une longue discussion, parce qu’ils se bornent en général à poser le principe sans entrer dans les détails d’application. Cependant, dans certains cas, ils ont donné des chiffres qui ont permis de calculer approximativement les conséquences financières qu’entraînerait l’adoption de leurs théories. Nous y reviendrons en analysant le rapport de M. Guieysse, et nous nous bornons ici à rappeler les principales propositions.