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SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ
(NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1870)

Le temps était sombre, pluvieux, boueux, bien en rapport avec la tristesse et la honte des événemens, lorsque la capitulation du 28 octobre 1870 fut communiquée à l’armée de Metz.

J’étais à ce moment capitaine d’artillerie, aide de camp du général de Berckheim, qui commandait l’artillerie du maréchal Canrobert.

Nous étions cantonnés en dehors de Metz, à la Ronde, dans l’établissement des Jésuites, auprès du maréchal et de son état-major.

Nous achevions de dîner, sans mot dire, lorsque la première troupe prussienne entra à la Ronde : c’était une compagnie d’infanterie qui se présentait pour occuper notre cantonnement. Le maréchal aurait dû évacuer les lieux sans tarder, et il était huit heures du soir. Il envoya immédiatement un de ses officiers demander à l’état-major allemand si réellement leur intention était bien de déloger, même sans le prévenir, un maréchal de France et de l’envoyer avec tout son état-major coucher en plein air, sous la pluie et dans la boue.

La compagnie prussienne fut aussitôt envoyée dans une autre partie du village et le maréchal conserva son cantonnement jusqu’à son départ pour l’Allemagne.

Nous restâmes donc à la Ronde, traités, en vertu de la capitulation, avec tous les officiers de l’armée de Metz, comme prisonniers sur parole ; libres de circuler à notre gré dans la ville