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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/700

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REVUE SCIENTIFIQUE

L'ÉVOLUTION DES ALLIAGES

On connaît la réplique de Swift à un oisif qui prétendait, devant lui, que c’était déroger de travailler : « Dans notre pays, dit l’auteur de Gulliver, l’homme travaille, la femme travaille, le cheval travaille ; le bœuf travaille, l’eau travaille, le feu travaille, la bière travaille : il n’y a que le porc qui ne fasse rien : ce serait donc le seul gentilhomme de l’Angleterre. » Nous savons assez que la noblesse anglaise travaille aussi. Oui, tous travaillent et tout travaille. Et le célèbre humoriste avait raison, plus qu’il ne pensait, de rapprocher à cet égard les hommes et les choses. Tout est en travail, tout peine, tout fatigue dans la nature, à tous les degrés, à tous les échelons. L’immobilité, le repos, ne sont le plus souvent, dans les choses naturelles, qu’une fausse apparence ; le prétendu quiétisme de la matière n’est fait que de notre impuissance à saisir ses agitations intestines. Nous n’apercevons pas, à cause de leur petitesse, les particules fourmillantes qui la composent, et qui, au-dessous de la surface impassible des corps, s’agitent, se déplacent, voyagent, se groupent pour prendre des formes et des positions adaptées aux conditions du milieu. Nous sommes en comparaison de ces élémens microscopiques comme le géant de Swift, au milieu du peuple de Lilliput ; et ce n’est pas encore assez dire.

L’idée de cette agitation particulière n’est pas nouvelle pour nous. Nous sommes, dès le collège, familiarisés avec elle par les théories scientifiques. La doctrine atomique nous enseigne que les choses se passent, en chimie, comme si la matière était divisée en molécules