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télégraphiait à notre plénipotentiaire rentré à Saïgon : « Je suis chargé par mon souverain de vous remercier sincèrement de vos sentimens d’amitié, avec regret de votre départ ; nous vous souhaitons bon et sauf voyage. »

La Convention franco-anglaise du 15 janvier 1896, qui interdit aux deux puissances contractantes toute intervention dans la vallée du Ménam, malgré les critiques acerbes adressées à MM. Berthelot et Bourgeois, consolidait notre situation. Ces riches territoires d’une fertilité merveilleuse, comparables à la Basse-Cochinchine, sont géographiquement et commercialement dans la sphère d’action de Singapore. Depuis la substitution de la vapeur à la voile et l’ouverture du canal de Suez, Bangkok ne reçoit plus de navires hauturiers et est devenu un port de cabotage, la barre de Packnam, dont le tirant d’eau maximum est de 15 pieds, ne permettant pas aux grands cargos de six mille, huit mille, dix mille tonnes de remonter la rivière. Vainement tenterait-on de détourner le trafic sur Saigon. Il suffit de regarder la carte pour constater que cela est impossible ; de Bangkok à Singapore, point commandé pour les traversées de ou sur l’Europe, le distance est de 650 milles et de 1 250 milles en passant par Saïgon. Pourquoi les riz siamois destinés à Hong-Kong feraient-ils escale dans notre colonie, allongeant le parcours de 200 milles et s’imposant des taxes de pilotage, de phare et d’ancrage ?

Ajoutons que notre régime douanier, avec ses incessantes vexations, nous interdit en France et aux colonies le grand commerce international.

Ne pouvant ni occuper la vallée du Ménam, ni y exercer une action commerciale sérieuse, il était d’une bonne politique de la neutraliser, de la transformer en État-tampon, et d’éviter ainsi de continuels conflits avec la Grande-Bretagne.


L’amitié qui régnait entre les deux parties contractantes, au lendemain de la signature du traité de 1893, n’eut pas de durée, et les Anglais ne tardèrent pas à reprendre au Siam une influence prépondérante. Bien des causes contribuèrent à ce fâcheux revirement. La cour de Bangkok se déroba à la plupart de ses engagemens. De notre côté, il faut bien le reconnaître, notre politique coloniale, dépendant à la fois du département des Affaires étrangères et du ministère des Colonies, manque d’unité