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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/771

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de notre excellente carabine à chargeur, l’instruction de tir, le combat à pied, sont considérés comme des exercices faisant perdre du temps et dont on ne saurait se débarrasser trop vite. Si certains chefs songent à faire combattre à pied la cavalerie mise à leur disposition, celle-ci, pour s’y soustraire, trouvera toutes sortes de prétextes.

Quelques vieux soldats se sont cependant élevés contre une telle doctrine. Ils ont fait observer qu’en ce qui concerne la France et l’Allemagne, les troupes d’infanterie et d’artillerie des deux nations, échelonnées en tout temps le long de la frontière, sont si rapprochées, que l’espace nécessaire entre elles pour les tournois rêvés n’existe pas. D’ailleurs, si ces tournois avaient lieu, les seules conséquences en seraient des destructions sans profit : or, il ne faut pas perdre de vue que ce n’est pas pendant le cours des opérations qu’on aura le temps et les moyens de reconstituer une cavalerie détruite.

La cavalerie est trop précieuse pour être dépensée en pure perte ; elle doit être conservée pour le rôle considérable qu’elle est appelée à jouer d’une autre manière. Jamais elle n’a été plus nécessaire ; mais elle ne peut se rendre utile qu’en changeant complètement ses procédés et en renonçant à ces combats à l’arme blanche qu’elle ambitionne et dont l’influence serait nulle sur la suite de la campagne.

Il est une objection toujours reproduite, quoique sans valeur. Si la cavalerie de l’ennemi n’apparaît pas, nos divisions pourront donc explorer à leur aise. L’espace entre les armées leur appartiendra sans conteste ; elles renseigneront, elles indiqueront le nombre et la force des corps de l’adversaire, détermineront leur front de marche et avertiront à temps des mouvemens dangereux. Au commencement du XIXe siècle, à l’époque où les fusils ne portaient qu’à 200 mètres et les canons qu’à 1 000 mètres, c’était encore possible. Avec les armes actuelles, ce n’est plus qu’un rêve irréalisable.

Aujourd’hui, les divisions indépendantes se heurteront immédiatement à des rideaux impénétrables qu’elles ne pourront percer tant qu’elles s’obstineront à ne vouloir utiliser que l’arme blanche.

La grande portée, l’invisibilité et la rapidité du tir, ne permettent plus à la cavalerie de déchirer avec ses sabres les rideaux dont s’entoure l’adversaire et derrière lesquels il manœuvre.