Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/864

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétendit faire briller une science toute fraîche par quelques discussions religieuses : « Que Dieu te protège encore de longues années, dit le brave homme pour réponse, et la clarté se fera d’elle-même en tout cela[1]. » Puis, de cet autre ecclésiastique, qui, réparant les excès de zèle par lesquels le père de Rosegger avait perdu le repos de ses nuits, rassura le vieillard sur le compte de son enfant émancipé, et rendit la paix aux derniers jours de ce grand chrétien. « Votre fils, dit ce véritable disciple de l’Évangile, n’est pas méchant, il est seulement différent de vous, il cherche le bien à sa manière. Ne lui dites donc plus jamais rien sur ses opinions, et priez incessamment pour lui le bon Dieu, qui se chargera bien d’arranger tout[2]. » Et ces deux cœurs généreux ne sont pas des exceptions dans leur ordre, puisque Rosegger a pu écrire encore : « Conscient de la droiture de mes intentions, je suis assuré que la portion du clergé qui pense noblement approuve mon attitude, et j’en possède les preuves[3]. »

Un obstacle qui pourrait retarder sinon entraver le retour complet de cette brebis aventureuse, ce sont ces terribles questions de race qui, dans la monarchie des Habsbourg, mêlent aujourd’hui plus que jamais la religion aux agitations du siècle. Les succès récens de la Prusse protestante ont fait naître dans le cœur des Allemands autrichiens, avec le désir plus ou moins avoué de se voir incorporer au puissant empire du Nord, une certaine sympathie pour les doctrines de la Réforme considérées comme spécialement germaniques. Quelques exagérés tentèrent même, sans grand succès, à vrai dire, de passer aux actes en préconisant la conversion générale de leurs concitoyens au protestantisme. C’est le mouvement qu’on a baptisé : Los von Rom « Séparons-nous de Rome. » D’autre part, les représentans parlementaires des religieuses populations alpestres ont été poussés à l’alliance des Slaves autrichiens, et par les aspirations catholiques, c’est-à-dire universelles, de l’Eglise romaine qui tend à effacer les distinctions de race dans la communauté d’une même foi, et par la crainte de l’esprit protestant qui anime le pangermanisme. Or, si les Tyroliens et les Styriens ne sont pas purement Germains d’origine, ils le sont tout au moins de langue, de

  1. Meine Ferien.
  2. Mein Weltleben.
  3. Ibid., p. 175.