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plus précieux pour nous est assurément celui qui, à l’aide des papiers de Dietrichstein et d’Obenaus, nous introduit dans l’intimité du jeune prince, et nous permet d’assister aux progrès de son éducation.


M. Wertheimer nous dit, à la fin de ce chapitre, qu’il croit avoir suffisamment prouvé la fausseté de toutes les légendes suivant lesquelles l’éducation donnée au fils de Napoléon aurait eu pour effet d’abrutir ou de dénaturer l’esprit et le cœur de l’enfant. Il s’élève en particulier contre cette affirmation « aussi gratuite que possible » du célèbre historien Treitschke : que l’éducation du duc de Reichstadt fut le digne « pendant du traitement infligé par le paternel empereur François aux prisonniers du Spielberg. » Mais, hélas ! pourquoi faut-il que tous les documens publiés par M. Wertheimer s’accordent pour donner raison à Treitschke, contre lui ! Avant de connaître le Journal de Dietrichstein et celui d’Obenaus, on pouvait croire, comme l’a cru encore M. Welschinger, que, « contrairement à une légende trop accréditée, les maîtres du jeune prince n’avaient jamais songé ni à étouffer son intelligence, ni à lui cacher ses origines. » On pouvait croire qu’ils s’étaient conformés au vœu de l’empereur François, qui, — d’après des autorités d’ailleurs extrêmement suspectes, — aurait dit à Metternich, touchant l’éducation de son petit-fils : « Je désire que le duc honore le souvenir de son père. Ne lui cachez aucune vérité : mais, avant tout, apprenez-lui à admirer son père et à l’estimer ! » Hélas ! à supposer que l’empereur François ait jamais dit cela, les hommes chargés de l’éducation de son petit-fils n’ont certainement tenu aucun compte de ses augustes désirs. Et c’est la publication même de leurs propres papiers qui vient nous prouver, une fois de plus, le danger que l’on court à se montrer trop dédaigneux à l’endroit des « légendes. » Car, si l’on peut tirer une conclusion certaine et incontestable des quarante-cinq pages où M. Wertheimer a recueilli les principaux passages des Journaux, rapports et lettres de Dietrichstein et d’Obenaus, c’est bien que ces deux hommes, à l’instigation de Metternich, n’ont point cessé de vouloir « cacher » à leur élève « ses origines, » ni, — peut-être sans le vouloir, — d’employer une méthode d’éducation la mieux faite du monde pour « étouffer son intelligence. »

Ces deux hommes-là précisément, et beaucoup plus que leurs deux collaborateurs. Car Collin ne parait s’être occupé que de remplir en conscience sa charge de professeur, travaillant à orner l’esprit de son élève et à former son goût, sans se mêler de la partie purement