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les vingt-cinq Congrégations ou « agrégations » « qui se livrent à l’enseignement, » — Eudistes et Maristes, Oratoriens et Dominicains ; — et c’est, dans les deux Exposés des motifs qui les concernent, en bloc ou en tas, que l’on trouve les choses les plus extraordinaires, en même temps que les preuves du plus fâcheux état d’esprit.

Nous apprenons donc, par l’Exposé relatif aux Congrégations « dont la prédication est le but avoué, » que le « clergé français qui, aux siècles précédens, a brillé avec tant d’éclat dans l’éloquence sacrée, s’est de nos jours déshabitué de la prédication ; » encore qu’il eût, comme le dit M. Combes, « non seulement le droit, mais le devoir d’en garder le monopole. » On reconnaît ici l’intention, que nous signalions tout à l’heure, de diviser la cause des Congrégations de celle du clergé paroissial, et de semer entre eux, si l’on le pouvait, des germes de discorde et d’envie. Divide ut imperes. Mais de quel droit ou à quel titre M. Combes lui-même détermine-t-il avec tant d’assurance les « devoirs » et les « droits du clergé français ? » Ignore-t-il d’ailleurs qu’aux siècles précédens, si « le clergé français a brillé d’un grand éclat dans l’éloquence sacrée, » quelques congréganistes s’y sont également illustrés : Bourdaloue, par exemple, ou Massillon, lesquels, pour avoir été de la Compagnie de Jésus ou de la Congrégation de l’Oratoire, n’en sont pas moins des orateurs « français ? » Pareillement, de nos jours, un Lacordaire, un Ravignan, un Père Hyacinthe. Nous attendrons, quant à nous, pour les traiter d’étrangers, que M. Combes ait décidé qu’un Français cesserait de l’être en revêtant la robe du Jésuite ou du Dominicain. Mais, sans « se déshabituer de la prédication, » si le clergé Français, qui compte aujourd’hui même plus d’un orateur éminent, — et, au premier rang, deux des prélats que M. Combes a frappés, — a cru devoir recourir aux membres des Congrégations « dont la prédication est le but avoué, » c’est que le labeur de la prédication demande tout un homme, et qu’il n’est ni toujours facile, ni possible, souvent, d’en concilier la tâche avec les soins qu’exige l’administration, temporelle et spirituelle, d’un grand diocèse ou d’une cure importante. « Le clergé français, »quoi qu’en dise M. le ministre des Cultes, ne s’est jamais « déshabitué de la prédication. » Mais il n’en a pas gardé le « monopole, » non plus que celui de l’apologétique ou de la confession : d’abord, parce qu’il ne l’a jamais exercé ; et puis, parce que, n’étant pas « monopoleur » de sa nature, il ne voudrait pas l’être au dommage de l’instruction des fidèles et de l’intérêt de la religion.

Car c’est ici le véritable excès ou abus de pouvoir. En proscrivant