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laquelle, depuis un demi-siècle surtout, l’exécution s’en poursuit. Aussi bien n’a-t-on pas toujours besoin de « comprendre, » ou de « savoir, » pour agir, et, au contraire, il s’est vu plus d’une fois que l’on en fût gêné.

On s’explique aisément, en ces conditions, l’acharnement de la lutte, et que le caractère, en dépit de ceux qui ne le veulent pas voir, en soit essentiellement « religieux. » « Il semble, — disait l’autre jour un « manifeste » adressé par l’Alliance républicaine progressiste aux électeurs sénatoriaux, — qu’on ait pris à tâche, depuis quelques années, d’ébranler les bases de notre état social… en faisant renaître des discordes religieuses qu’on croyait à jamais oubliées ; » et je ne sais pourquoi cette plainte un peu naïve m’a rappelé l’empressement plus naïf avec lequel un homme tel que M. Méline proteste, s’agite, et se débat, c’est le cas de le dire, comme un diable dans un bénitier, toutes les fois qu’on le soupçonne d’incliner vers le « cléricalisme. » Il faudra bien cependant que M. Méline et l’Alliance républicaine progressiste en prennent leur parti : la lutte est « religieuse, » — je ne dis pas « confessionnelle, » — mais « religieuse, » au sens le plus général du mot, et elle ne se terminera que sur le terrain « religieux. » Sachons enfin nous en rendre compte : ce n’est pas aux « Congrégations » qu’on en a comme telles, et ce n’est pas même au « catholicisme ; » c’est à la religion, d’une manière générale, en tant qu’inspiratrice de certaines idées, en tant que régulatrice de l’éducation publique, et en tant que maîtresse de la « mentalité. » Si l’Alliance républicaine progressiste, si l’Union libérale républicaine, si la Ligue de la Patrie française n’ont pas, à notre avis, commis de pire erreur que de ne vouloir pas le voir, il est temps d’ouvrir les yeux. Il est temps de nous rendre compte que, si le catholicisme est une « religion, » la tradition révolutionnaire et le socialisme en sont d’autres, et que rien ne serait plus vain ni plus fallacieux que de s’imaginer qu’on en triomphera par des moyens de l’espèce purement politique.

Ce que l’on s’explique également, c’est l’importance que nous attachons à la « liberté d’enseignement ; » et, en effet, la question est de savoir qui sera maître de l’éducation publique, et, par elle, de la formation des générations à venir.

J’avais tout récemment l’occasion de le faire observer : ce n’est pas pour « enseigner » l’arithmétique ou la géographie que nous avons besoin de la « liberté d’enseignement. » Deux et deux feront toujours quatre, et l’Allemagne sera toujours à l’orient de la France. Nous ne demandons pas non plus qu’il nous soit permis d’enseigner