Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

financé à diverses reprises pour les l’omis électoraux de son parti, et qu’on allait de nouveau avoir besoin de leur concours pour la campagne présidentielle de 1900. Puis, il faut l’avouer, eût-on tranché de la sorte la question économique, qu’on se fût trouvé encore en face de la grave question sociale de l’immigration des Philippins, qui devait nécessairement se poser un jour et qu’il valait mieux résoudre pendant qu’on pouvait encore le faire de sang-froid, avant que les passions ne se fussent déchaînées. Or, pour interdire la libre entrée des États-Unis aux habitans des îles, comme pour la refuser à leurs marchandises, il n’y avait qu’un seul et même moyen : soutenir que la Constitution ne s’appliquait qu’aux seuls États, et non aux Territoires.

C’est à quoi se résigna M. Mac Kinley qui, après avoir déclaré d’abord que c’était le devoir évident, the plain duty, des États-Unis de recevoir en franchise les importations de Porto-Rico, laissa ses amis proposer au Congrès de les frapper d’un droit, qui était seulement, il est vrai, de 15 pour 100 du tarif général américain[1]. Mais ce qui importait, ce n’était pas la quotité de l’impôt, c’en était le principe. La Constitution dit formellement : « Le Congrès aura le pouvoir d’établir et de percevoir des taxes, droits, impôts directs et indirects, mais tous droits et impôts directs et indirects devront être uniformes dans toute l’étendue des États-Unis, throughout the United States. » Pour concilier avec la Constitution l’imposition d’un droit de douane sur les produits de Porto-Rico arrivant à New-York par exemple, alors qu’il n’y en a pas sur les produits similaires arrivant de la Floride ou du Connecticut, il est donc absolument nécessaire d’admettre que le terme « les États-Unis » employé dans la Constitution désigne seulement les Etats membres de l’Union et non les contrées qui lui appartiennent, qui sont sous sa juridiction, mais ne sont pas constituées en États : Porto-Rico se trouve dans ce cas ; les Philippines de même ; donc le texte précité ne s’applique ni aux unes ni à l’autre. Il ne s’applique du reste pas

  1. La mesure établissant les droits fut comprise dans le bill présenté au Congrès au début de 1900 pour organiser le gouvernement civil de Porto-Rico, qui avait été soumis jusque-là au régime militaire. Devant le tolle que suscita la proposition dans la partie la plus saine de l’opinion, le Président, toujours faible, lit une nouvelle volte-face et obtint de ses amis que les droits ne seraient perçus qu’à titre transitoire pour un an et que le produit en serait affecté aux besoins locaux de l’île. Ce projet fut voté en 1900 avec cette modification qui, remarquons-le, laissait subsister entière la question constitutionnelle de savoir si le Congrès avait ou non le droit d’imposer ces taxes.