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baryum mis en contact intime avec les sels d’actinium deviennent actifs pendant des mois. On peut, enfin, avoir de l’eau pure radioactive : il suffit de distiller une solution de chlorure de radium, — ou même, plus simplement, de placer côte à côte, sous une cloche, un vase contenant de l’eau distillée près d’un autre vase contenant le sel de radium. Conservée à l’abri de l’air cette eau reste assez longtemps active.

D’autre part, si l’on extrait, par la pompe à vide, les gaz occlus dans une masse solide de substance radifère, on obtient une petite quantité d’un mélange de gaz carbonés, d’hydrogène et d’azote qui se montre extraordinairement énergique. Aussi bien que les sels purs de radium, cette masse gazeuse impressionne la plaque photographique à travers le papier noir ; comme eux, par son simple rayonnement, elle décharge les corps électrisés ; elle rend fluorescentes dans l’obscurité les parois de l’éprouvette de verre qui la contient ; elle colore ces parois dans leur épaisseur, en noir ou en violet. Après dix jours, cette manière d’être, qui est celle des substances violemment actives, se maintient encore : plus tard, ces facultés déclinent et disparaissent.

Ces faits ont une conséquence remarquable : ils établissent l’universalité, l’ubiquité du rayonnement que nous appelons uranique. Lorsqu’il y a, quelque part, des substances fortement radifères, l’action se répand dans tout le voisinage. « Les divers objets employés dans le Laboratoire de chimie, dit M. Curie, ne tardent pas à être tous radioactifs et à agir sur les plaques photographiques au travers du papier noir. Les poussières, l’air de la pièce, les vêtemens sont radio-actifs. Dans la salle d’études physiques, l’air de la pièce devient conducteur. » « Dans le laboratoire où nous travaillons, ajoute M. Curie, le mal est arrivé à l’état aigu, et nous ne pouvons plus avoir un appareil bien isolé. » MM. Elster et Geitel, en Allemagne, ont constaté les mêmes inconvéniens.

Nous ne connaissons pas toutes les circonstances où se peut manifester la radio-activité, soit foncière et permanente, soit accidentelle et induite. Mais en voilà pourtant un certain nombre. Elles suffisent pour nous incliner à considérer le phénomène comme très répandu dans la nature. Nous aurons tout à l’heure l’occasion de voir, en étudiant la composition des rayons émis par les corps radio-actifs, qu’ils sont entièrement comparables aux rayons de Röntgen, ou mieux, aux rayons secondaires, que l’on peut appeler rayons de Sagnac, du nom du physicien qui les a étudiés avec beaucoup de sagacité. Ceux-ci,