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Elle créa une législature, sans cependant que cette législature, que l’on nomme Congrès, ait le pouvoir de la modifier, même dans ses infimes détails. Ce que le peuple a voulu, le peuple seul peut le changer ou l’abroger. »

Le premier de ces pays, — l’Angleterre, — a construit sur une multitude de lois et d’arrêts son système de gouvernement. Le gouvernement du second, — les États-Unis, — repose tout entier sur celle loi fondamentale, la Constitution. L’Angleterre « a placé ses prétendues lois constitutionnelles à la merci de sa législature, qui peut à son plaisir abroger n’importe quelle institution du pays, la Couronne, l’Eglise anglicane, la Chambre des lords, la Chambre des communes, le Parlement lui-même… » Oui, le Parlement anglais pourrait se détruire lui-même, en prononçant sa propre dissolution, et en ne laissant aucun moyen légal de convoquer un nouveau Parlement. Mais les États-Unis ont élevé leur Constitution au-dessus des atteintes et des prises du Congrès. Ce qui fait en somme qu’en Angleterre, le Parlement est omnipotent. Mais, en Amérique, « le Congrès est limité à deux points de vue : 1° il ne peut légiférer que sur certaines matières spécifiées dans la Constitution ; » et 2°, en ces matières même, « il n’a pas le droit de transgresser les dispositions de la Constitution. La rivière ne peut pas remonter au-delà de sa source. »

Et, pour qu’il ne reste aucun doute sur ce que peut et sur ce que ne peut pas le Parlement américain, M. James Bryce emprunte des comparaisons familières : « Voici un propriétaire qui donne à son régisseur des instructions pour toucher ses fermages, ou pour payer des dettes à un marchand ; le régisseur n’a pas, cela est évident, le droit d’engager son mandant par des actes qui dépasseraient les ordres qu’il a reçus : il ne pourrait pas, par exemple, acheter un champ. Ou bien encore, voici un directeur d’usine qui prescrit à son contremaître de réglementer dans son établissement les heures de travail et de repas, et le contremaître, au lieu de s’en tenir là, détermine aussi les vêtemens que les ouvriers devront porter, les offices religieux auxquels ils devront assister ; ces derniers règlemens ne seront pas l’expression de la volonté du directeur, et les ouvriers ne sauraient être blâmés de n’en tenir aucun compte. »

Ainsi des Parlemens, qui ne sont que des régisseurs ou des contremaîtres, au-dessus desquels il y a un propriétaire ou un directeur, un supérieur qui ne leur a délégué qu’un pouvoir