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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/429

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Frédéric en avait pris prétexte pour ne rien céder ; il accusait les Français de débattre leurs intérêts les plus graves avec une extrême légèreté el, si les hostilités continuaient, il en rejetait la faute sur le ministère français. Dans toutes ses lettres à Voltaire, nous le voyons exprimer cette opinion, notamment le 19 novembre 1759. « Vous apprendrez par la déclaration de la Haye si, le roi d’Angleterre et moi, nous sommes pacifiques. Cette démarche éclatante ouvrira les yeux au public et fera distinguer les boute-feux de l’Europe de ceux qui aiment l’humanité, la tranquillité et la paix… La France est la maîtresse de s’expliquer… Il est temps de mettre fin à ces horreurs… Tous ces désastres sont une suite de l’ambition de l’Autriche et de la France… »

Jointe aux exigences de Pitt, qui ne voulait de la paix à aucun prix, une demande de restitution de la Lorraine présentée par le roi de Prusse éclaira le ministère français sur les ambitions secrètes de ce prince. Choiseul, qui en avait eu communication par l’entremise de Voltaire, répondit ainsi :


A Versailles, 20 décembre (1759),

« Je réponds, mon cher Hermitte, à vos lettres[1] du 30 novembre, une autre sans datte, à celles des 3 et 15 décembre. J’aime mieux votre lettre du 30 novembre que toutes celles de Luc et même que les exploits des différentes parties belligérantes, vous avés un esprit charmant. J’ai montré cette lettre au Roi et à sa société ; je les ai fort assuré que j’avais trouvé le pupitre, qu’il ne me restait plus qu’à trouver le traité à signer dessus une base aussi agréable ; je ressemblerai, du moins dans cette partie, à Mylord Bolinbroke[2] ; elle m’inspirera et me donnera peut-être quelques autres ressemblances avec ce ministre ; en attendant, je vous remercie du plaisir que vous m’avés fait par votre lettre, il y avait longtems que je n’en avais eu en lisant des papiers.

« Vous m’avés envoyé deux lettres de Luc, une du 12 novembre et l’autre du 21[3] La première, unie à celle de M. Fink[4],

  1. Ces quatre lettres ne sont pas connues.
  2. Bolingbroke. L’un des négociateurs de la paix d’Utrecht. Il était, au dire de Voltaire lui-même, un des hommes les plus éloquens de son siècle.
  3. La première nous est inconnue. Par celle du 21, Choiseul entend celle de Frédéric à Voltaire du 19.
  4. L’aide de camp de Frédéric.