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équivoque. Il y a quelque tems que par les intrigues des ennemis, ou d’après leur caractère assés soupçonneux, les ambassadeurs de Vienne et de Russie, qui sont ici, me marquèrent des soupçons ; d’abord j’y fis fort peu d’attention ; ils revinrent à la charge, et alors séparément et ensemble je leur déclarai que leurs inquiétudes étaient déplacées, parce que je pouvais leur dire de la part du Roi, et eux pouvaient le mandera leurs Cours, que Sa Majesté, lorsqu’elle voudrait faire la paix, ne la leur cacherait pas, parce qu’elle savait prendre un parti pour le bien de ses affaires hautement, mais qu’il était au dessous d’elle de tromper ; en conséquence le Roi a communiqué à ses alliés qu’il avait une espèce de négociation de commencée entre l’Angleterre et la France, qui pouvait et devait entraîner le rétablissement de la Paix générale ; cette négociation est rompue : mais la démarche de la part du Roi n’en est pas moins certaine ; or vous conviendrés que ce n’est point user de petites finesses que de se conduire aussi nettement. Tant que je serai ici, je ne donnerai pas d’autres conseils. La guerre sera heureuse ou malheureuse, elle durera jusques à extinction de chaleur naturelle ou finira bientôt, mais le Roi ne trompera point et fera ouvertement et sans crainte quelconque toutes les démarches qui lui surviendront ; nous n’aurons pas à nous reprocher de tromper même le roi de Prusse ; voilà ce que vous pouvés mander à Luc, qui vous écrit non pas en ministre ou homme de vos amis qui n’a jamais rougi que lorsqu’il a rotté, actuellement je commence à m’y accoutumer, dans les commencemens cela me faisait de la peine. Adieu, mon cher Solitaire, j’écris à M. de Monpeyroux sur votre affaire ; et je le charge de vous l’aire rendre justice, sans quoi je ferai aussi des procès à ceux qui ne vous la rendent pas. Je vous embrasse de tout mon cœur. »

Cependant, tout en répondant simultanément aux exigences de ses travaux multiples et de sa volumineuse correspondance, Voltaire suivait régulièrement les intérêts de la politique française et, conformément aux encouragemens qu’il avait reçus, continuait le « commerce. » C’est ainsi qu’il venait d’envoyer à Choiseul une épître secrète du roi de Prusse. Impatient de retrouver l’existence agitée qu’il aimait, Frédéric s’apprêtait à mener énergiquement la campagne de 1760 et, le 1er mai, il avait écrit à Voltaire : « Ces filous qui me l’ont la guerre m’ont donné des