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protestans de France, n’apparaissait à personne plus clairement qu’aux protestans eux-mêmes. L’étroite relation entre les affaires du dehors et les affaires du dedans était, pour eux, une continuelle préoccupation. Ils avaient le souci du grand combat engagé, alors, sur le vaste champ de bataille européen ; ils se seraient volontiers sacrifiés au succès général de la « Cause, » comme un corps d’armée consent à périr pour le gain de la bataille. Ils comprenaient parfaitement que, par l’intermédiaire de leur généralissime et principal homme d’Etat, Bouillon, leurs efforts se reliaient à l’ensemble de la lutte engagée alors en Europe ; malgré bien des méfiances à son égard, ils continuaient à le reconnaître comme leur chef, alors même qu’il ne leur disait pas tout le secret.

Bouillon était principalement en relation avec les protestans de Hollande, et c’était par-là surtout que les protestans français étaient en contact avec le dehors. Les Hollandais, par l’héroïsme de la lutte engagée contre la Maison d’Espagne, étaient devenus les véritables épigones et patrons de la cause. Ils avaient, eux, si misérables et si faibles, sauté à la gorge de la Bête. Ils avaient souffert, ils avaient lutté, ils avaient vaincu : ils avaient porté le fardeau pour tous les autres. Or, dans ces longues années d’épreuves, ils étaient descendus en eux-mêmes, ils s’étaient donné une foi, formé une conscience. Ils avaient découvert, dans leur âme, ces raisons de fond qui surgissent, quand on offre sa vie pour enjeu. Parmi les meilleurs, ils apparaissaient comme les premiers ; ils avaient conquis l’autorité. C’étaient des gens de naturel grave, habitués à réfléchir et capables de mettre l’action au bout de leur résolution. Avec de telles qualités, on ébranle le monde. La Hollande a toujours été funeste aux vastes dominations.

La conduite des Provinces-Unies était donc une leçon vivante et permanente pour les protestans. Or, elles vivaient en République. Ces gens, qui avaient beaucoup réfléchi, non seulement sur leurs propres destinées, mais sur celles de leurs coreligionnaires et sur celles de l’humanité, philosophes, publicistes, hommes d’Etat et hommes d’épée, aboutissaient tous à la même conclusion : le gouvernement des Assemblées.

Tels étaient les enseignemens que recevaient directement, de Hollande, les huguenots du royaume de France et les protestans d’Allemagne. C’est de là que venait le mot d’ordre de la